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DORMEZ COMME UNE BÛCHE

DORMEZ COMME UNE BÛCHE
PAR CHRIS CANDER

VOTRE AGENDA DE MINISTRE AMPUTE VOTRE TEMPS DE SOMMEIL DE MOITIÉ? VOICI DES CONSEILS POUR MIEUX FAIRE LA SIESTE, PRENDRE PLUS DE MUSCLE ET VOUS SENTIR EN PLEINE FORME.


C’est ce qu’on lit dans tout ce qui traite de la santé en général: “Dormez huit heures par nuit.” Cette affirmation nous nargue de toute sa simplicité. On croit tenir la solution, puis on se brosse les dents à 2 h du matin, on se glisse entre les draps et, 5 ou 6 heures plus tard, on écrase le bouton du réveil pour démarrer une nouvelle journée. Bien sûr, on aimerait dormir davantage, mais pour beaucoup d’entre nous, ce n’est tout simplement pas le cas. Peut-on tenir avec moins de sommeil et quel effet cela peut-il avoir sur nos objectifs de prise de muscle? Réveillez-vous, vous êtes sur le point de le découvrir!

LE MYTHE DES 8 HEURES
De combien de sommeil a-t-on donc réellement besoin? Wilse B. Webb, PhD, effectue des recherches sur le sommeil depuis plus de 40 ans. Auteur de Sleep, the Gentle Tyrant (Anker Publishing, 1992), il indique que le “besoin” de sommeil correspond au laps de temps au bout duquel on se réveille naturellement en se sentant reposé. “Pour déterminer votre propre ‘besoin’ de sommeil, allez simplement vous coucher, réveillez-vous 2 h 30 plus tard et voyez comment vous vous sentez le reste de la journée,” suggère-t-il. “Ce temps de sommeil sera évidemment insuffisant. Une semaine plus tard, tentez une nuit de 4 heures. Ce ne sera sûrement pas suffisant non plus. Renouvelez l’expérience jusqu’à ce que vous réveilliez facilement et que vous sentiez reposé toute la journée.”
Webb trouve qu’il est ridicule d’affirmer que nous avons tous besoin de 8 heures de sommeil. “C’est comme dire que nous devrions tous faire 75 cm de tour de taille,” dit-il. Les besoins en sommeil sont profondément individuels au même titre que de nombreuses autres caractéristiques biologiques. La durée naturelle moyenne du sommeil est de 7 h 30. Elle est valable pour environ 60% de la population à une heure près, soit entre 6 h 30 et 8 h 30. Aux deux extrémités de la fourchette, on trouve les quelques chanceux qui se contentent de 4 h 30 et les pauvres diables à qui il faut 10 h 30 de sommeil.
Quels que soient nos besoins individuels, nous ne parvenons généralement pas à les satisfaire. Pouvons-nous tenir avec moins? “C’est ce que l’on fait déjà,” dit Webb. “On dort moins qu’on le devrait et on le sait parce qu’on s’en accommode. Étude après étude, on constate que les nuits sont plus longues d’une heure le week-end.” Certains scientifiques pensent que nous devrions dormir encore moins. Henry Olders, MD, FRCPC, psychiatre au SMBD-Jewish General Hospital de Montréal au Canada, affirme que le mythe des 8 heures pourrait bien nous être nuisible. “Un manque de sommeil n’est pas une bonne chose, mais un excès de sommeil est beaucoup plus dangereux,” souligne-t-il. “Au moins deux études de grande envergure ont montré qu’en moyenne, 7 h de sommeil correspondaient au plus faible risque de mortalité en comparaison avec des nuits plus longues.” Dormir trop longtemps pourrait allonger la période du sommeil paradoxal dont on a montré qu’il contribuait à la dépression et à la fatigue. Conseil d’Olders: levez-vous tôt et observez cette règle. Si vous vous réveillez tous les jours à 6 h, vous réduirez votre phase de sommeil paradoxal ainsi que les risques de dépression.

RÉDUISEZ VOTRE QUOTA
Selon Claudio Stampi, MD, PhD, fondateur et directeur du Chronobiology Research Institute de Boston aux États-Unis, il existe une souplesse dans nos besoins normaux. Grâce à son travail sur les techniques de siestes “polyphasiques éclair”, Stampi a montré qu’on pouvait réduire ses besoins habituels de 10 à 25% sur le long terme et jusqu’à 50% à court terme, en abrégeant le cycle de sommeil nocturne et en planifiant plusieurs siestes courtes dans la journée. (Voir “Agitation nocturne” ci-dessous.) “Le sommeil plus long et ininterrompu qu’a développé l’homme est rare,” dit-il. “Quatre-vingt cinq pour cent des espèces suivent un modèle fait d’une succession de siestes. Nous avons mené des recherches pour la NASA afin de déterminer si nous serions des dormeurs plus efficaces en fractionnant notre sommeil en siestes.”
Le raisonnement était double. D’abord, la partie la plus efficace de notre sommeil se déroule au début: c’est le sommeil lent profond appelé delta. (Bien que toutes les phases soient importantes, le sommeil delta semble être le plus réparateur.) Il est intéressant de constater que quand on réduit la durée totale du sommeil, on conserve 90% de son sommeil delta habituel. La théorie de Stampi est que si l’on augmente la fréquence des débuts de sommeil grâce aux siestes, on augmente l’efficacité du sommeil en tirant meilleur parti de cette phase de récupération. Deuxièmement, faire plusieurs siestes permet de recharger ses batteries plus souvent et permet de rester plus alerte, même quand on manque de sommeil.
Cette technique de diminution du temps de sommeil s’est avérée efficace dans des conditions extrêmement difficiles comme l’exécution d’opérations d’urgence dans l’espace, le tour du globe à la voile en solitaire en 94 jours ou la vie de parents à l’arrivée d’un nouveau-né. Cependant, Stampi ne l’envisage pas comme une alternative permanente au sommeil classique. De la même façon qu’on peut contraindre son corps à maintenir un poids inférieur à la normale, on peut se forcer à tenir avec moins de sommeil. Par contre, nous aurons toujours faim et nous aurons toujours un besoin impérieux de sommeil. On ne peut pas tricher éternellement. Jonathan El-Bizri, 30 ans, employé dans la haute technologie le jour et musicien la nuit, utilisait la technique des siestes multiples pour réduire son besoin total de sommeil à 4 heures. “Pour quelqu’un qui était habitué à dormir 9 heures, c’était d’autant plus miraculeux que j’étais extrêmement productif pendant la journée,” nous affirme cet habitant de San Francisco. El-Bizri déclare qu’il se sentait plus alerte et plus concentré que d’habitude, mais il n’a pu maintenir ce rythme de sommeil que pendant six mois. Son état de santé général et ses défenses immunitaires s’étaient dégradés, en partie, pense-t-il, parce qu’il passait trop de temps en studio et pas assez à la salle de musculation. “J’aurais mieux réussi si j’avais été en meilleure forme, parce que c’est très exigeant physiquement. Je mangeais sain: pas de sucreries, pas de caféine, pas d’alcool. Malgré tout, ça commençait à être usant.”

LE PRIX D’UNE DETTE DE SOMMEIL
Il n’est pas si élevé qu’on le pense, dit Webb. “On a privé des individus de sommeil pendant trois jours, en laboratoire, et on n’a jamais pu constater d’effet à long terme. La première nuit, après une privation de sommeil de 3 jours, les sujets dorment 12-13 heures; la suivante peut-être 10, et puis ils ont complètement récupéré. La logique voudrait qu’il faille 24 heures pour récupérer si l’on a perdu 24 heures. En réalité, ce constat ne tient pas. La récupération de sommeil ne suit pas de règle algébrique.”
En laboratoire, le système immunitaire des rats s’effondrait au bout de 13 jours sans sommeil. Toutefois, les scientifiques ignorent si c’est à cause du manque de sommeil ou du stress des manipulations pour les maintenir éveillés: dans une étude, si le rat s’endormait, il plongeait dans une bassine d’eau. Il est beaucoup plus difficile d’empêcher un être humain de dormir; passé un certain point, on ne peut tout simplement plus garder les yeux ouverts et c’est la fin des expériences. Pour cette raison, les scientifiques ne connaissent pas exactement les effets à long terme de la privation de sommeil.
À court terme, il y a apparemment deux conséquences mesurables. D’abord, il est difficile de se lever quand le réveil sonne. Deuxièmement, il est difficile de se concentrer sur des tâches qui exigent de l’attention (monotones ou relaxantes) par opposition à des tâches qui excitent l’attention (motivantes, excitantes ou dangereuses).
“Je me m’inquiète pas tant pour le chirurgien privé de sommeil que pour le conducteur en manque de sommeil qui fait un long trajet de nuit,” dit Webb.

SOMMEIL ET MUSCLE
Nous savons ce que vous pensez: comment cela affecte-t-il les sportifs? Si l’on s’entraîne une heure ou plus par jour, peut-on vraiment tenir avec moins de sommeil? Nous avons posé la question et voilà ce que nous avons découvert.
>> Les sportifs ont-ils des besoins en sommeil différents? Olders dit qu’aucune étude n’a été réalisée sur ce sujet, mais l’exercice à haute dose semble supprimer le sommeil paradoxal. En cela, il fonctionne comme la plupart des traitements antidépresseurs, ce qui pourrait expliquer pourquoi l’exercice dope le moral. Dormir davantage pourrait contrer cet effet.
>> Qu’en est-il du temps de récupération dont les muscles ont besoin pour grossir? “Je n’ai pas connaissance d’études montrant que dormir plus améliore la récupération ou favorise la prise de muscle,” dit Olders. “Trop de sommeil favorise l’insomnie et parfois la fatigue, voire la dépression.”
>> Quel effet un sommeil polyphasique peut-il avoir sur un sportif? Selon Stampi, aucune recherche n’a été menée à ce sujet, mais étant donné que l’exercice augmente la qualité et l’efficacité du sommeil, il est possible qu’un sportif puisse, en fait, mieux l’appréhender que le sujet lambda.

AUGMENTEZ VOTRE TEMPS DE VEILLE
En gardant toutes ces données à l’esprit, voici comment tirer le meilleur parti de vos heures d’éveil.
>> Faites des siestes. Nul besoin de dormir longtemps. Selon Orders, des siestes très courtes (5 à 7 minutes) sont idéales. Des siestes plus longues peuvent avoir l’effet inverse: le cerveau est plus lent à se réveiller et la sensation de fatigue persiste jusqu’à une heure après l’éveil. Stampi ajoute que notre rythme circadien personnel est important. “Apprendre à connaître sa propre physiologie se fait par tâtonnements, ” dit-il. “Essayez de faire des siestes à différents moments, et de durées variées, pour voir ce qui marche le mieux pour vous.”
>> Buvez de la caféine. C’est une bonne chose. La caféine dit à vos cellules d’ignorer l’adénosine, cette sale molécule qui favorise le sommeil, et elle augmente la dopamine, qui remonte le moral et dont on a montré qu’elle luttait contre la dépression en limitant le sommeil paradoxal. Comme il faut 2 à 3 heures pour que se dissipent les effets de la caféine, évitez-la avant une sieste ou avant de vous coucher pour la nuit.
>> Limitez les glucides. Le glucose des glucides provoque un pic d’insuline qui cause un regain d’attention suivi d’un rebond d’énergie. Pour limiter les fluctuations de l’insuline, mangez plus souvent et limitez les glucides; ces deux pratiques sont bonnes pour le métabolisme aussi. Olders a rencontré beaucoup de succès en utilisant la méthode Atkins pour lutter contre l’endormissement.
>> Entraînez-vous. “Des études ont montré que l’exercice améliore la qualité du sommeil grâce à l’effort en tant que tel, mais aussi grâce à l’élévation et à la chute de la température corporelle,” dit Stampi. “Quand on s’entraîne, le corps libère des endorphines qui peuvent améliorer l’état d’éveil. Le moment peut être important: l’exercice physique matinal peut améliorer l’attention, mais ne vous endormira pas ensuite. L’exercice en fin d’après-midi semble faciliter l’endormissement quelques heures plus tard.”
Vous ne rêvez donc pas: on peut tenir avec moins de sommeil. Et avec toutes les études en cours, la science nous délivrera peut-être entièrement un jour du besoin de fermer l’oeil. Mais, comme demande Webb, pour quoi faire? “Si on devait affronter huit heures supplémentaires de notre vie de dingue tous les jours, on deviendrait fou,” fait-il observer. “Dormir est si doux. Profitez-en.” M&F
JUIN 2004