Par Jeff O'Connell
 
Votre croissance musculaire est peut-être satisfaisante, mais en est-il de même de votre vie? Voici comment remporter le gros lot dans tous les domaines.
 
Arnold Schwarzenegger compare la croissance de son corps à la fabrication d'un sabre de samouraï. Chauffer, marteler, plonger dans le feu, aiguiser, refroidir - maintes fois répétée, cette alchimie finit par transformer le matériau brut, que ce soit le fer ou les fibres musculaires, en un outil puissant. Avec une telle arme à ses côtés, tout peut arriver: devenir une star de cinéma, épouser une fille Kennedy, gagner des millions, et même briguer le poste de gouverneur de Californie. Celui qui a incarné
 
Conan à l'écran sait que de la musculation naît la force, et que cette dernière est la condition préalable au pouvoir - mais ce n'est que la condition. L'autorité répond à certains critères, l'ascendant est la capacité à contrôler, et la maîtrise est synonyme d'obéissance forcée. Quant au pouvoir, c'est cette capacité mystérieuse qui permet à certains de forcer les autres à agir, non pas à coup de diktats, mais à force d'influence et de persuasion. On a un sabre de samouraï à ses côtés, mais on l'utilise sans excès. Le pouvoir est souvent dissimulé, généralement subtil et toujours affaire de circonstances, comme auraient pu en témoigner les conseillers politiques new-yorkais qui se trouvaient à bord du Titanic au moment de la collision avec l'iceberg. Comme le dit Thomas Jefferson, "Moins on fait usage de son pouvoir, plus il prend de force."
Comment votre réussite en musculation peut-elle donc renforcer d'autres aspects de votre vie, notamment votre carrière? Afin de répondre à cette question, nous avons interrogé un groupe d'éminentes personnalités qui pratiquent la musculation assidûment tout en régnant sur les hautes sphères de la politique, des affaires ou des deux. Ils ont en commun le bodybuilding ainsi que leur façon de relativiser leur réussite. Pour paraphraser Mark Twain, l'homme le plus puissant du monde ne pourra pas s'empêcher d'éternuer, et chacun de ces hommes semblent parfaitement conscient de la ligne ténue qui sépare le pouvoir de l'orgueil.
 

ACTION DéCISIVE
Avec Anthony Robbins
 
M&F: Pourquoi tant de personnes, malgré toutes leurs bonnes intentions, ne réalisent-elles aucun progrès, ni en musculation, ni dans d'autres domaines?
ROBBINS: Il faut d'abord qu'elles trouvent ce qui les fera avancer. On se contente trop souvent de "pousser", mais ce qui marche à long terme, c'est de "tirer". Pousser, c'est quand on se sent tellement insatisfait physiquement et moralement qu'on lève les pouces et qu'on dit "stop". Alors, on fait un régime strict, on engage un entraîneur personnel. On essaye de souffrir un peu moins. Ça ne dure jamais. Cette attitude est vouée à l'échec et c'est le début du cercle vicieux.
M&F: Quelle est la solution ?
ROBBINS: Tirer! Tirer, c'est s'inventer un avenir passionnant. Un projet si motivant qu'il vous sort du lit. Il faut avoir un modèle. Il y a une différence entre des résultats médiocres, bons, excellents et remarquables. Beaucoup de gens me disent: "J'ai un régime qui est vraiment bon; alors, pourquoi est ce que je ne maigris pas plus que ça?" La raison, c'est que quand on se contente d'être "bon", on est bien loin de ses ambitions. Quand on est "bon", les résultats ne sont pas gratifiants.
Tous les battants sont des individus qui visent "l'exceptionnel." Si l'on a une "excellente" approche du régime et de l'entraînement, les résultats sont "satisfaisants," mais pas "exceptionnels." Le fossé n'est pas énorme; or, c'est à ce niveau-là que l'on est récompensé. Ces gratifications n'ont rien à voir avec ce que l'on peut espérer à un niveau d'exigence inférieur. Prenez Arnold et Joe Weider. Est-ce qu'ils étaient plus doués, plus talentueux ou plus instruits que la moyenne? Sûrement pas!
Lors de ma première rencontre avec Arnold, je lui ai demandé: "Vous êtes au top en bodybuilding comme au cinéma: d'où vient votre motivation?" Il a répondu: "J'en veux toujours autant!" Arnold est exceptionnel parce qu'il ne se contente pas d'être excellent.
M&F: Comment trouver un modèle, et pas seulement en bodybuilding?
ROBBINS: Il doit être hors norme et simplement bon ou excellent. Il faut choisir quelqu'un dont la réussite est époustouflante. Un modèle en sait peut-être un peu plus long que les autres. Et ses conseils sont des atouts incommensurables pour éviter les erreurs et progresser plus vite.
- Interview réalisée par Chris Aceto.
 

LA FORCE DES RELATIONS
AVEC JIM HAWORTH
M&F: Avez-vous toujours eu soif de ce pouvoir acquis lorsque l'on progresse dans la hiérarchie, ou est-ce la conséquence d'autres réussites?
HAWORTH: Pour se faire une place dans le monde des affaires, l'essentiel, ce sont les contacts que l'on établit avec les autres. Ce n'est pas une question d'autorité, ou, comme vous dites, de pouvoir. C'est davantage la capacité, sur le plan professionnel, de permettre aux autres de se dépasser pour atteindre les objectifs que vous avez définis. Au début de ma carrière, j'ai été confronté à des difficultés [de gestion], et j'ai réussi à rassembler mes troupes autour d'un but précis et à débloquer la situation. Affronter très jeune des situations difficiles m'a, je crois, donné cette certitude que, quel que soit l'avenir, je saurais le gérer avec mes partenaires de travail.
M&F: Dans quelle mesure votre bonne condition physique vous avantage-t-elle dans vos affaires?
HAWORTH: Je me concentre mieux. Tout se bouscule dans mon travail, et cet entraînement d'une heure, une heure et demie me permet de décompresser un peu. La fatigue, facteur de baisse de rendement en cas de manque de préparation mentale ou physique, disparaît. Quand je fais du cardio, je me surprends à analyser les événements de la journée, ou bien je me prépare intellectuellement à affronter d'éventuels problèmes. Si on vit tout au jour le jour, et qu'on ne s'évade jamais, on n'a pas la perspective nécessaire.
M&F: Selon vous, quelle proportion de votre réussite est due à des décisions majeures, et quelle proportion attribuez-vous aux efforts et à la réalisation une fois ce choix fait? En d'autres termes, si Bill Gates avait décidé de vendre des pots de peinture et pas des logiciels, serait-il devenu le plus riche marchand de peinture du monde ou serait-il un raté?
HAWORTH: Quelques individus sont davantage passionnés par certains secteurs du monde des affaires. Je pense néanmoins que les meilleurs businessmen réussiraient dans n'importe quel domaine car, grâce à leur dynamisme inné et à leur esprit de compétition, ils peuvent arriver au plus haut niveau. On ne peut contester l'importance capitale des décisions que l'on prend, mais il ne faut pas négliger l'aptitude à réagir et à gérer les choses, une fois le choix fait.
 

LA PASSION RéCOMPENSÉE
AVEC MARK CUBAN
M&F: Vous avez montré une capacité rare à vivre vos passions (Internet, le basket) et à gagner de l'argent avec. La passion est-elle une condition préalable au succès en affaires et, si un jeune a la musculation comme unique centre d'intérêt, comment peut-il canaliser cet engouement vers quelque chose de plus gratifiant que des séries et des reps?
CUBAN: La passion est, sans aucun doute, un préalable. Je ne travaille pas, je fais ce qui me plaît... maintenant... mais, au début, il ne fallait pas que je perde de vue le fait qu'on me payait pour apprendre. Mes premiers boulots ne m'intéressaient pas, mais je savais que les connaissances acquises étaient autant de jalons pour l'avenir. C'est pareil en musculation. Si on a la volonté de s'entraîner tous les jours, d'avoir une alimentation adaptée pour concrétiser ses objectifs, et de chercher dans des livres les informations nécessaires à l'élaboration d'un programme efficace, on peut avoir la même discipline pour réussir à monter une affaire, car ça demande le même genre d'effort. Il faut se fixer des buts, se préparer par un travail acharné et ne jamais relâcher son apprentissage afin de toujours avoir une longueur d'avance sur ses concurrents. Et comme en musculation, il ne faut pas oublier le facteur chance, toujours important dans les affaires. La nature a pourvu certains veinards de gros mollets et on espère toujours avoir la même chance dans sa vie professionnelle. Mais si on n'est pas prêt à réagir quand la roue tourne - ce qui me renvoie à l'idée de préparation - ce n'est pas la peine.
M&F: Vous montrez de formidables capacités d'anticipation, non seulement pour saisir au vol les nouvelles tendances, mais aussi pour savoir quand laisser tomber. Quel est votre secret pour vous démarquer du lot, et percevoir ce que la majorité ne sait pas voir?
CUBAN: Je lis plus que la plupart de mes relations - tout ce qui me tombe sous la main, des livres d'économie, des magazines, des sites web. J'essaye d'en savoir plus que les autres sur mon secteur d'activité. Ensuite, je vois quel avantage je peux en tirer.
 

L'ÉPREUVE DU FEU AVEC ARNOLD SCHWARZENEGGER
 
M&F: Certains progressent en musculation, mais ne sont pas à la hauteur dans les autres aspects de leur vie. Comment s'y prendre pour que cette réussite ait des répercussions dans d'autres domaines?
SCHWARZENEGGER: C'est [le bodybuilding] qui m'a tout donné. Il m'a inculqué la discipline, la force intérieure, la confiance, et il m'a permis de venir en Amérique, mon rêve d'enfant. Je m'explique: comment était-il possible à un gamin autrichien de venir aux états-Unis dans les années 50 ou au début des années 60? Ce n'était pas comme maintenant: ce n'était même pas envisageable. Et c'est le bodybuilding [qui me l'a permis]: vous vous souvenez, quand Joe Weider m'a dit, "Tu veux réussir en Amérique? [Alors], je veux te faire venir."
C'est comme ça qu'on a la chance de vivre et de s'entraîner aux U.S.A. et de gagner des concours et de l'argent; et puis on monte une affaire et on va à l'université, et tout ça, grâce à l'Amérique. Mon succès au cinéma, je le dois à mes muscles, pas à mon grand talent. Et, tout compte fait, c'est grâce à Pumping Iron que j'ai reçu cette invitation d'Ethel Kennedy pour me rendre à New York au Tournoi de tennis Robert F. Kennedy, où j'ai rencontré Maria. Vous voyez, tout s'enchaîne. Le bodybuilding m'a fait entrer dans le monde du cinéma et m'a amené jusqu'à la présidence du Conseil présidentiel sur les sports et la condition physique. On en revient toujours au même point. [l'ex-président George H.W.] Bush fait partie de ces gens qui admirent les muscles, et adorent la musculation.
M&F: C'est donc le bodybuilding qui a déroulé devant vous un tapis rouge?
SCHWARZENEGGER: Je ne serais rien aujourd'hui sans l'expérience acquise au début de ma carrière de bodybuilder. Ces années d'entraînement sans relâche et de victoires en compétition m'ont constamment mis à l'épreuve en tant qu'être humain, ont mis ma force morale à l'épreuve et forgé mon caractère. C'est comme un sabre de samouraï. Le caractère d'un homme se trempe de la même manière; de là lui viennent confiance et estime de soi, ce qui lui permet de se regarder en face et de se dire: "J'ai livré bataille, je n'ai pas baissé les bras et j'ai vaincu. J'ai réussi l'épreuve." Au cours de ces années, j'ai appris comment faire face à mes engagements, à me fixer un but et à ne jamais en dévier, même si cela doit être très difficile. M&F
 
ANTHONY ROBBINS | Spécialiste en psychologie du management, de la négociation et de l'optimisation de la performance, Robbins conseille les leaders politiques et
économiques du monde entier. Par ses livres, ses cassettes audio et ses conférences, il fait profiter des dizaines de millions d'autres personnes de son enseignement. TRAVAIL
EN RéSISTANCE: Pratique trois séances de musculation à domicile avec un entraîneur personnel. Emporte son matériel lors de ses déplacements. CARDIO: Il se prépare à ses sessions de 10 à 12 heures sur scène avec trois séances hebdomadaires de travail aérobie "très intense". Il écoute en même temps des livres enregistrés. RéGIME: Avec ses 2 m
et ses 114 kg, il ne cherche plus à prendre de masse et il suit ce qu'il appelle un régime "dynamique," composé essentiellement de fruits, de légumes et de jus de fruits frais.
 
JIM HAWORTH | Vice président du conseil d'administration et chef des opérations del'une des plus grandes et plus puissantes entreprises américaines, Wal-Mart Stores Inc., Haworth a la responsabilité d'environ 3000 magasins et de 900 000 employés dans l'ensemble des États-Unis. TRAVAIL EN RéSISTANCE: Cet homme de 1,85 m et 98 kg fait de la musculation 4 à 5 soirs par semaine, ciblant un groupe musculaire différent à chaque séance. CARDIO: 25 minutes sur appareil elliptique quatre fois par semaine. RéGIME: Mange assez sain, surtout du poulet, du poisson et des légumes verts - et de la viande rouge à l'occasion.
 
MARK CUBAN | Spécialiste du franc-parler et du carton rouge, ce propriétaire du club de basket, les Dallas Mavericks, (NBA) a bâti dans la haute technologie une fortune estimée à plus d'un milliard de dollars. Co-fondateur de MicroSolutions, il a ensuite cédé l'affaire à CompuServe, pour réaliser la même opération avec Broadcast.com, vendu à Yahoo! moins d'un an avant l'explosion de la bulle technologique. Il investit toujours dans des entreprises de technologie de pointe.TRAVAIL EN RéSISTANCE: Musculation 3-4 fois par semaine: il exerce à chaque fois deux groupes musculaires différents, à raison de 3 séries de 30-50 reps. CARDIO: 45 minutes de stepper 4-5 fois par semaine. Joue au basket deux fois par semaine. RéGIME: Un de ses points faibles. Comme il dit, "c'est la faute aux biscuits."
 
ARNOLD SCHWARZENEGGER | sept fois M. Olympia, il devint ensuite une star des films d'action mondialement reconnue, doublé d'un homme d'affaires et d'un investisseur avisé. Sa fortune est estimée à 250-850 millions de dollars net. Lors de la rédaction de cet article, il était le candidat républicain au poste de gouverneur de Californie.* TRAVAIL EN RéSISTANCE: Pour se préparer à un film, il fait six séances de musculation par semaine avec un programme "pur et dur" en double split et à gros volume. Il va jusqu'à l'épuisement musculaire à chaque série. CARDIO: 30-45 minutes de tapis de jogging, de vélo d'exercice ou de stepper presque tous les jours. RéGIME: Suit toujours un régime hyperprotidique pauvre en lipides.
*(NDLR: il a été élu gouverneur le 8 octobre)