Si vous avez mal aux articulations, la prolothérapie pourrait vous soulager - sans intervention chirurgicale.
Par Lori Gross, LPTA, LATC, CSCS
Vous vous souvenez de cette foulure à la cheville que vous vous êtes faite en jouant au football au lycée? N'est-ce pas cette même cheville qui vous fait mal après vos entraînements? Et qu'en est-il de cette douleur à la nuque et au dos que vous ressentez encore après ce petit accrochage en voiture survenu il y a des années, le genre de sensation pénible qui revient un peu trop souvent - vous savez, une peu comme votre belle-mère?
Grâce aux avancées des procédures chirurgicales, on remplace aujourd'hui des articulations usées et on reconstruit des ligaments. Mais si vous êtes à la recherche d'une thérapie non invasive pour soigner une douleur chronique consécutive à une élongation ou un détachement de tissu conjonctif, la prolothérapie mérite peut-être d'être envisagée. Cette méthode est utilisée pour traiter les blessures aux articulations, tendons et ligaments sans intervention chirurgicale. Reconnu par un nombre croissant de praticiens, dont C. Everett Koop, ancien ministre américain de la santé, la prolothérapie est en passe de devenir une alternative populaire au bistouri.
Sportif, guéris-toi tout seul
Technique procédant par injections, la prolothérapie a été utilisée avec succès pour stimuler naturellement le tissu conjonctif afin qu'il produise du collagène, d'où une réduction et, dans certains cas, une élimination de la douleur. On utilise également les termes de thérapie reconstructrice non chirurgicale ou de médecine régénérative. Ce traitement a soulagé les malades souffrant de bon nombre de douleurs de type musculo-squelettique, dont l'arthrite, les douleurs à la nuque et au dos, la fibromyalgie, les blessures sportives et le syndrome du canal carpien.
Le terme prolothérapie a été inventé par le Dr George Hackett en 1956, à partir du latin "proles" (descendance) comme dans "proliférer," pour désigner la multiplication abondante et rapide de nouvelles cellules.(1) Il décrit sa définition médicale comme "la réhabilitation d'une structure incompétente par la production de tissu cellulaire nouveau."
En prolothérapie, les injections sont composées de nombreuses substances différentes qui sont fonction du site de l'injection et du diagnostic. En général, un anesthésiant comme la lidocaïne, associée à des irritants tels que le dextrose (eau sucrée), le phénol, la glycérine ou le morrhuate de sodium (dérivé purifié de l'huile de foie de morue) sont utilisés.
Les études animales ont montré que le morrhuate de sodium augmente la masse des ligaments et des tendons, ainsi que leur épaisseur et leur force au niveau de leur insertion sur les os.(2-3) C'est cette jonction fibro-osseuse qui est le siège de nombreuses élongations, distensions et ruptures. L'innervation y est abondante, ce qui n'est pas le cas de l'apport sanguin, vecteur de nutriments. Pratiquée sur le site d'insertion du ligament ou du tendon sur l'os, l'injection entraîne une inflammation localisée de la zone, ce qui stimule l'auto-réparation du tissu lésé.
Nombreux sont ceux qui affirment qu'Hippocrate a été le premier à utiliser une version de cette technique, mais d'autres sources en attribuent la primeur à un certain Dr Jaynes de St. Louis qui, en 1832, injectait dans les hernies "une solution sclérosante" afin de produire du tissu fort qui ne ferait pas saillie là où il ne le fallait pas.
Déclencher le soulagement
Les séances de prolothérapie diffèrent selon le type de blessure et l'ampleur de la région à traiter. Le Dr Marc Darrow, JD, QME, directeur du Centre de rééducation articulaire et de médecine du sport à Los Angeles, explique que beaucoup d'injections de prolothérapie sont simplement des injections sur les points sensibles (ou points -détente) près des zones de jonction fibro-osseuses. "Décrits par Travell et Simons dans leur ouvrage fondamental publié en 1983, les points sensibles sont considérés comme des faisceaux de fibres musculaires hyperirritables et douloureux," précise-t-il.
"Une pression exercée sur ces "points-détente" peut souvent projeter la douleur vers d'autres régions du corps," continue Darrow. "Les ligaments et les tendons peuvent aussi être le siège de douleurs. J'utilise souvent un anesthésiant local ainsi que des injections de dextrose sur les points sensibles en association à la prolothérapie. J'ai constaté plus d'une fois qu'il y a atténuation ou disparition de la douleur après une ou deux injections et ce, avant qu'il n'y ait prolifération (développement) du collagène. Dans la majorité des cas, la prolothérapie consiste donc à traiter les points sensibles.
L'avis de Darrow est effectivement corroboré par celui de scientifiques et de patriciens de médecine régénérative. Hackett (considéré comme le fondateur de la prolothérapie) déclare que la douleur locale et la douleur projetée proviennent toutes deux des ligaments.1 Les recherches ont également montré qu'à elles seules, les injections de dextrose peuvent améliorer l'ostéoarthrite du genou et de la main et resserrer des ligaments antérieurs croisés relâchés.(4,5)
Un corpus assez important d'investigations scientifiques confirme l'efficacité de la prolothérapie; deux des études les plus citées ont examiné le traitement des douleurs lombaires.(6,7)
Bien que les travaux aient donné des résultats très positifs en matière de réduction de la douleur et d'une diminution du handicap physique, certains critiques jugent que la méthodologie des études laisse à désirer. Néanmoins, d'autres rapports et études de cas ont fait apparaître des effets favorables, et une étude sur les problèmes lombaires a montré, par biopsie, qu'il n'y avait aucune constitution de tissu cicatriciel et que des fibres plus épaisses s'étaient formées dans les ligaments.(8-10) D'autres investigations portant sur la mise en ?uvre de la prolothérapie pour l'ostéoarthrite et la laxité des ligaments du genou ont donné des résultats encourageants.
L'appui du football américain
Qu'est-il donc arrivé à votre cheville lors de cette journée funeste où vous vous êtes blessé? Quand vous avez trébuché, il y a eu distension et peut-être déchirement des ligaments qui maintenaient les os et des tendons reliant les muscles à ces os. Beaucoup de cellules sont mortes à la suite de ce traumatisme, ce qui a entraîné une réponse inflammatoire dans la cheville.(12)
Pour réduire l'inflammation et réparer les dégâts, le tissu lésé a dû passer par plusieurs étapes. Pour qu'il se renforce, mais sans qu'une cicatrice ne se forme, il a fallu assurer un équilibre délicat entre mouvement, contraintes physiques et immobilisation et, en même temps, garantir que la zone blessée recevait un apport sanguin adéquat et une nutrition suffisante pour favoriser la réparation tissulaire. Pour ce qui est de la régénération des tissus, le corps a des capacités étonnantes, mais souvent, celles-ci ne peuvent pas s'exprimer complètement sans intervention médicale. En outre, le repos, le froid, la compression et l'élévation ne peuvent aider que jusqu'à un certain point.
Le scénario que nous venons de décrire est ce qui est arrivé à deux patients de Darrow, les joueurs de football américain Johnnie Morton et à David Sloan des Detroit Lions. Morton (1,83 m et 86 kg), en position de receveur, avait des douleurs dans le fessier gauche, juste sous la crête iliaque, ainsi que dans un pouce, suite à un coup reçu au moment où il saisissait le ballon. Il a suffi de deux injections pour lui garantir sa première saison de football sans douleur depuis bien des années! Vu le succès de son traitement par prolothérapie, il a orienté Sloan sur le centre médical du Dr Barlow à L.A.
Sloan (1,98 m et 118 kg), qui joue en position de bloqueur, souffrait d'une grave hyperflexion dorsale du gros orteil. Il était traité depuis deux ans par la chirurgie, l'acupuncture et des techniques par injections, quand il a essayé la prolothérapie. Il déclare avoir constaté un soulagement de la douleur après avoir associé les traitements. "Je suis fermement convaincu qu'après une blessure, il faut essayer toutes les possibilités et pas uniquement les plus connues, et que des traitements alternatifs peuvent être intégrés dans ce qui est traditionnellement accepté en médecine moderne," affirme-t-il.
Matière à réflexion
Le coût des séances de prolothérapie peut aller de 100 à 500 dollars. Généralement, les injections se font 4 à 6 fois avec deux semaines de battement pour laisser au nouveau tissu le temps de se régénérer, mais certains patients peuvent avoir besoin de plus de séances.
Si vous envisagez ce mode de traitement, sachez qu'il ne doit être appliqué que par des praticiens confirmés qui ont subi une formation spécialisée (pour plus d'informations, voir l'encadré "Prolothérapie: centres et personnes-ressources").
Si vos vieilles blessures vous gênent et que vous en avez assez des douleurs articulaires, la prolothérapie pourrait diminuer et soulager vos maux. Quant à ces visites de votre belle-mère, à vous seul de trouver la solution!
Lori Gross est journaliste, conférencière, entraîneur personnel et spécialiste de rééducation. Pour des programmes personnalisés d'entraînement et des consultations, on peut la contacter à [email protected].
RÉFÉRENCES
1. Hackett, G. Ligament and tendon relaxation treated by prolotherapy. (1st ed.) Springfield: Charles C. Thomas, 1956.
2. Liu, Y., et al. An in situ study of the influence of a sclerosing solution in rabbit medial collateral ligaments and its junction strength. Connective Tissue Research 11:95-102, 1983.
3. Maynard, J.A., et al. Morphological and biochemical effects of sodium morrhuate on tendons. Journal of Orthopaedic Research 3(2):236-248, 1985.
4. Reeves, K.D., Hassanein, K. Randomised, prospective, placebo-controlled double-blind study of dextrose prolotherapy for osteoarthritic thumb and finger (DIP, PIP and trapeziometacarpal) joints: evidence of clinical efficacy. Journal of Alternative & Complementary Medicine 6(4):311-320, 2000.
5. Reeves, K.D., Hassanein, K. Randomised prospective double-blind placebo-controlled study of dextrose prolotherapy for knee osteoarthritis with or without ACL laxity. Alternative Therapies in Health & Medicine 6(2):68-80, 2000.
6. Klein, R.G., et al. A Randomised double-blind trial of dextrose-glycerine-phenol injections for chronic low back pain. Journal of Spinal Disorders 6(1):23-33, 1993.
7. Ongley, M.J., et al. A new approach to the treatment of chronic low back pain. Lancet 2(8551):143-146, 1987.
8. Bourdeau, Y. Five-year follow-up on sclerotherapy/prolotherapy for low back pain. Manual Medicine 3(4):155-157, 1988.
9. Peterson, T.H. Injection treatment for back pain. The American Journal of Orthopedics 5(11):320-325, 1963.
10. Klein, R., Dorman, T., Johnson, C. Proliferant injections for low back pain: histological changes of injected ligaments and objective measurements of lumbar spine mobility before and after treatment. Journal of Neurological and Orthopaedic Medicine and Surgery 10(2):123-126, 1989.
11. Ongley, M.J., et al. Ligament instability of knees: a new approach to treatment. Manual Medicine 3:152-154, 1988.
12. Arnheim, D., Prentice, W. Principles of athletic training. (9th ed.) St. Louis: McGraw-Hill Companies Inc., 1997.
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Johnnie Morton, star des Detroit Lions, a recours à la prolothérapie pour combattre les douleurs et les blessures subies au football américain. Ici, le joueur est traité par le Dr Marc Darrow, JD, QME, directeur du Centre de rééducation articulaire et de médecine du sport à Los Angeles.
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