Muscle & Fitness - Le magazine pour être plus fort, en forme et en meilleure santé
Accueil | Archives d'articles | Abonnement | Nous contacter | Publicité
TERRE DE TITANS

TERRE de TITANS
PAR JOHN PLUMMER


Lorsque Shelton Benjamin et autres castagneurs — comme Triple H — débarqueront en Europe au printemps prochain avec la WWE, des millions de personnes les regarderont à la télévision et des milliers d’autres rempliront d’énormes arènes pour admirer ce divertissement unique à la Tarzan dont ils sont les spécialistes.
Depuis que, dans les années 80, le catch a envahi le petit écran aux USA, il a toujours été facile d’attirer les parieurs. Quant au respect, c’est une autre histoire. Les représentants de cette discipline ont dû se démener pour balayer cette impression que si le résultat est truqué, l’effort n’est pas réel.
Pas besoin de séjourner longtemps dans l’ombre sculpturale du champion intercontinental Benjamin, ancien sprinter sur 100 m en 10,2 secondes et sacré “State Wrestling Champion,” pour se rendre compte que ces gars-là peuvent se mesurer aux plus grands sous toutes les coutures.
Le physique imposant de Benjamin parle de lui-même: pour qu’une charpente de 1,88 m puisse supporter 109 kg de muscle, il faut être incontestablement un athlète à 100%. Quand il explique ensuite ce que les catcheurs doivent endurer, on commence à prendre la mesure de la réalité. “On ne ressemble à aucun autre sportif professionnel,” explique-t-il. “On n’a pas de vacances. On travaille quatre jours par semaine, toutes les semaines de l’année. On est sur la route 300 jours par an.
“ La règle générale veut que même en cas de blessure, on continue le spectacle. Le footballeur ou le joueur de basket professionnel moyen se retrouve sur la touche dès qu’il se cogne un orteil. Nous, on met du sparadrap et c’est reparti. Tout sportif intéressé par cette discipline se doit de respecter cette règle.”
La relation particulière que le catch entretient avec la télévision augmente cette exigence de toujours paraître au top. Les fans refusent de rester sur leur faim et peu de choses sont aussi impressionnantes qu’un physique mince, musclé et massif: être “bien taillé” est donc important à la WWE.
“ C’est une affaire de plastique,” explique Benjamin. “Je n’aimerais pas regarder un athlète qui ne parait pas très en forme et ne semble pas prendre soin de lui. Je me souviens qu’enfant, en voyant Arnold Schwarzenegger, je me suis dit: ‘Bon sang, comment est-ce possible?’ J’ai ensuite découvert différentes techniques pour parvenir, moi aussi, à me bâtir un physique qui en impose. Aujourd’hui, je veux présenter une silhouette qui puisse servir de référence aux autres.”
Benjamin a récemment donné du punch à son programme d’entraînement afin de paraître encore plus redoutable: si l’on veut envoyer au tapis des titans de 214 kg comme Big Show, mieux vaut posséder des muscles puissants. “Je vise un poids de 116 kg,” précise-t-il. “Il me manque donc 7 kg. Je veux prendre de la masse, mais je ne vais pas en faire un drame si cela prend du temps, pourvu que ma prestation sur le ring soit à la hauteur.”
Les bodybuilders sont les mieux placés pour savoir comment prendre de la masse, et Benjamin et d’autres lutteurs s’en inspirent systématiquement lorsqu’ils cherchent des idées. Il raconte que Triple H et Batista figurent parmi les plus grands fans de bodybuilding. Triple H a même animé le M. Olympia 2004 où il a vu Ronnie Coleman s’emparer du titre pour la septième année consécutive.
“ La vue de ces gars nous remplit d’effroi,” avoue Benjamin. “Atteindre cette condition physique reste un rêve. Je les idolâtre autant pour leur discipline que pour leur physique, pour la rigueur de leur entraînement qui leur permet de devenir ce qu’ils sont. Je compare leurs souffrances à celles que tout sportif doit endurer car on n’atteint pas ses objectifs sans discipline. J’aurais adoré ressembler à un type comme Coleman, mais je ne cherchais pas la même chose.”
Le but de Benjamin est devenu évident il y a cinq ans, quand il a rejoint la WWE. Jusqu’alors, ce sportif né au talent incroyable — mais qui restait bien en deçà de son potentiel — s’était contenté de se laisser flotter au gré de la vie. Sa taille hors norme lui a fréquemment attiré des remarques dès l’âge de huit ans, lorsqu’il a commencé la musculation. “Mes voisins m’autorisaient à m’entraîner avec eux,” raconte-t-il. “Je devrais plutôt dire qu’ils m’ont forcé à m’entraîner avec eux: j’étais puissant et ils voulaient voir ce que j’avais dans le ventre! J’étais une vraie terreur. Ma mère détestait que je reste trop longtemps à la maison parce que je me mettais à grimper aux arbres ou à courir en plein milieu de la rue.” Dès l’âge de 16 ans, Benjamin ressemblait à un homme et pesait 93 kg. “Je ne me suis jamais considéré comme très musclé, mais j’avais toujours un physique sec et très défini,” se souvient-il. Cependant, on peut dire qu’il a réussi en dépit de ses méthodes d’entraînement et non pas grâce à elles. Il n’a jamais pris la musculation au sérieux. Par contre, il s’adonnait assidûment aux hamburgers: il s’en gavait véritablement. “Mcdonald’s, Burger King, Wendy’s…. je les ai tous essayés,” avoue-t-il. “À une époque, je mangeais un hamburger de chez Wendy’s tous les jours. J’adore la nourriture fast-food, mais je viens d’en réduire sérieusement la consommation. Je pouvais avaler n’importe quoi sans que cela me soit néfaste parce que mon métabolisme était extrêmement rapide. Il est encore presque aussi rapide; par contre, j’ai diminué les hamburgers, les sucreries et le pain. Je mange maintenant davantage de steak, de poulet et de pâtes. ”
En matière de nutrition, la mauvaise alimentation n’était pas le seul défaut de Benjamin: il mangeait aussi trop peu. “Je ne faisais qu’un seul repas par jour,” précise-t-il “et parmi les aliments, il y avait généralement un hamburger. Même aujourd’hui, je ne mange que deux fois par jour. Je sens que c’est ce qui me convient le mieux.”
Adolescent, Benjamin s’est mis au sprint et a vécu quelques grands moments malgré une alimentation et un entraînement peu orthodoxes. Inutile de l’interroger sur son programme de musculation à l’université: après ces incursions chez les voisins au cours de ses jeunes années, il avait pratiquement cessé de soulever la fonte. Et puis, un jour, il a tâté d’un nouveau sport: la lutte. “J’ai pratiqué cette discipline en amateur pendant 10 ans,” raconte-t-il. “Je m’y suis mis sur le tard. J’ai commencé à 16 ans alors que l’âge moyen se situe au moment de l’apprentissage de la marche. Je m’y suis jeté avec une grande ferveur et dès mes 17 ans, j’étais champion d’état.”
Après avoir terminé ses études à l’université du Minnesota, Benjamin est resté en qualité d’entraîneur de lutte adjoint et c’est alors que le destin est intervenu. Il a formé un certain Brock Lesnar, future star de la lutte. “On peut dire qu’il bousillait tout le monde à la fac: la WWE a entendu parlé de lui et a demandé à l’université un entretien avec lui,” se souvient-il. “Ils ont également décidé de voir ce que je valais; la suite est bien connue. Ils m’ont donné ma chance le jour de thanksgiving 1999 et j’ai signé en janvier 2000.”
Depuis, Lesnar et Benjamin sont devenus les chouchous des fans de la WWE. Benjamin s’est fait un nom lors du Smackdown! où Charlie Hass et lui-même sont devenus champions tag team. Il a ensuite rejoint l’écurie des Raw où il a battu Chris Jericho au championnat intercontinental.
Cette chance unique de devenir une des superstars de ce fabuleux business mondial qui a fabriqué d’immenses champions comme Hulk Hogan et The Rock a fini par pousser Benjamin à ne plus juger les salles de musculation avec autant de désinvolture et à considérer cette pratique avec plus de sagesse.
“ Je n’avais jamais soulevé la fonte avec beaucoup de conviction,” reconnaît-il. “Quand je suis entré à la WWE, je m’y suis mis plus sérieusement et j’ai élaboré des stratégies qui me conviennent. Avant, je suivais le programme de quelqu’un d’autre et je n’obtenais pas ce que je recherchais. J’ai commencé à lire des magazines et à mettre au point des stratégies efficaces.”
Surtout, Benjamin a appris — ce qui pourrait surprendre le moins assidu des supporters de la WWE — que même si on se bat comme une bête sauvage, on n’est pas obligé de s’entraîner comme un damné. Il a adopté une technique d’entraînement faite d’exercices précis réalisés avec des charges légères. Cette méthode ne réussit pas à tout le monde, notamment à ceux qui ont du mal à prendre de la masse. En revanche, elle est adaptée à quelqu’un qui, comme lui, est musclé de nature et souhaite rester découpé. “J’ai de la chance,” reconnaît-il. “Si je ne vais pas à la salle pendant un mois, il me suffit de congestionner mes muscles pendant environ cinq minutes et on a l’impression que je me suis entraîné tous les jours.”
Quand on passe tant de temps sur la route, il est difficile de suivre un programme d’entraînement. Pourtant, pour un catcheur de la WWE, la musculation n’est pas une option. “Nous avons maintenant mis au point un programme,” explique Benjamin. “Voici une journée type lorsqu’on ne participe pas à un spectacle pour la télévision, c’est-à-dire trois fois par semaine: on arrive dans une ville et on commence immédiatement à chercher une salle. En général, il s’agit d’un Gold’s Gym ou d’une salle ouverte 24 heures sur 24 — les petites aires de fitness des hôtels sont insuffisantes pour moi. On se lève à sept ou huit heures, on prend le petit déjeuner et on s’entraîne environ jusqu’à onze heures, on mange à nouveau, puis on tue le temps jusqu’à 17 heures; enfin, on monte sur le ring.”

LES SÉANCES DE BENJAMIN
Benjamin travaille ensemble les pectoraux et les biceps ainsi que les dorsaux et les triceps. Il s’occupe peu des épaules qui prennent suffisamment de coups sur le ring et il laisse les jambes complètement de côté. Après avoir vraiment matraqué les cuisses, on a besoin de repos et ces athlètes ne se reposent pas. “Je dois bondir sans arrêt sur le ring. Je ne peux donc pas courir le risque d’avoir des courbatures qui réduiraient ma mobilité,” explique-t-il. “Je fais juste un peu de vélo de temps en temps.”
Il s’entraîne à l’instinct, sans emploi du temps précis. Pour les biceps, deux de ses exercices favoris sont le curl à la poulie et le curl avec haltères. “On voit des gars qui choisissent la charge la plus lourde possible et arrivent péniblement à 10 reps,” déclare-t-il. “Je prends des charges plus légères, mais j’effectue des mouvements lents et précis, ainsi que beaucoup de reps négatives. Je fais ainsi croire à mes muscles que je prends lourd tout en conservant une technique correcte.” Pour Benjamin, “léger” signifie des haltères de 25 kg pour effectuer trois séries de huit à 12 reps. “J’ai une perception un peu faussée du lourd et du léger à cause des gens avec qui je travaille,” précise-t-il.
Les séances pour les pectoraux sont plus brutales: il effectue trois séries de six à huit reps sur machine Hammer avec une charge qui peut atteindre 143 kg. “Je fais toujours cet exercice lentement,” explique-t-il. “Je contrôle le mouvement tout au long de la montée et de la descente.” La clé réside encore une fois dans la cadence lente pour l’exercice suivant, les écartés aux poulies vis-à-vis. “Je n’utilise pas toujours la même charge,” explique-t-il, “mais je ne prends jamais moins de 27 kg.” Il effectue trois séries de 15 reps. “Pour la plupart des exercices, je m’en tiens à trois séries,” explique-t-il.
Il effectue ensuite des écartés avec haltères sur banc, en restant dans la fourchette des six à huit reps. “Je tire les haltères vers l’arrière de manière à étirer les pectoraux,” souligne-t-il. Vient ensuite l’exercice “de résistance,” le développé couché avec la barre. “Mon maxi n’a jamais dépassé 166 kg,” raconte-t-il. “Je faisais juste l’andouille: j’aurais pu mieux faire. Je varie le nombre de reps, mais j’effectue en général trois séries de six à huit reps.” Il termine la séance de pectoraux par du développé couché décliné avec une charge légère afin de congestionner les muscles.
Pour les dorsaux et les triceps, il commence par trois séries de 15 reps de rowing buste penché avec 68 kg, puis c’est le tour des tractions à la barre fixe. La plupart des individus de 109 kg cherchent à se hisser autant de fois que possible, mais Benjamin n’est pas un homme ordinaire. “En début de séance, je peux en effectuer 20 à la première série,” explique-t-il. “Par contre, je souffre le martyre!” Il passe ensuite au tirage vertical prise serrée, puis au tirage horizontal. Il ajoute aussi quelques reps au pec deck inversé afin de cibler les deltoïdes postérieurs.
Pour les triceps, il aime bien les dips, le curl inversé à la poulie et les extensions avec la corde. “Je pourrais passer la journée à faire des dips,” précise-t-il. “Je n’utilise aucun lest pour augmenter la résistance, mais je peux effectuer 100 dips en quatre séries.” En général, il exécute les dips et les curls à la poulie, autre mouvement pour lequel il vise 100 reps en quatre séries réalisées sous forme de superset. Pour finir, il explose les muscles de l’arrière des bras par des extensions avec la corde.
Benjamin est peut-être un géant à côté du commun des mortels, mais il est loin cependant de figurer parmi les titans les plus musclés de la WWE. Sa vitesse et son talent le maintiennent au dessus du lot. “À mes débuts dans la WWE, j’étais vraiment tenté de prendre du volume,” reconnaît-il. “Quelques personnes m’ont conseillé de devenir plus gros, mais je ne pense pas que je serais aussi bon si j’étais plus massif. Je ne dirais pas que j’ai un gabarit parfait, mais je m’en rapproche. Je suis assez gros pour me mesurer aux super lourds, mais pas assez pour me faire avoir par les plus petits. Si je prenais beaucoup de muscle, mon équilibre serait compromis et ça n’irait pas. Mes mouvements sur le ring sont très fluides et si je prends trop de masse, ça ne se passerait peut-être pas aussi bien.”
Les fans européens jugeront par eux-mêmes si Benjamin est devenu plus imposant et meilleur au cours de la tournée de la WWE en Allemagne, Italie et Grande-Bretagne qui démarrera peu après Wrestlemania 21, le 3 avril. “En Europe, les supporters font plus de bruit,” ajoute-t-il. “Aux États-Unis, nous sommes toujours en direct; ici, vous avez moins l’habitude de ce genre de face à face et vous n’êtes donc pas blasés. On passe toujours de super moments en Europe.” Quelqu’un veut le contredire? M&F
MARS 2005