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UNE NOUVELLE RACE DE SUPERSTARS

Une nouvelle race de superstars - Elena Baltacha
Par John Plummer

Autrefois, les joueuses de tennis étaient plus connues pour leur beauté que pour leurs qualités sportives, mais les choses ont évolué. Aujourd’hui, inspirées par des athlètes comme les sœurs Williams, les meilleures tennis women ont ajouté de la puissance à la finesse de leur jeu pour se distinguer dans un sport où la condition physique côtoie aussi la mode

À PARTIR DU 20 JUIN, la nouvelle race de superstars dévoilera ses talents à Wimbledon: à cette occasion, les 128 meilleures joueuses du monde s’affronteront pour succéder à la championne russe, Maria Sharapova. ° Parmi l’élite, peu des joueuses prennent la condition physique plus au sérieux qu’Elena Baltacha, 21 ans, qui a disputé son premier match sur le Centre Court à l’âge de 17 ans. Affichant 68 kg de muscles puissants, Baltacha est troisième mondiale pour la vitesse de son service. “Ma force est ma force,” déclare-t elle. Il y a deux ans, elle a déchiré son manuel d’entraînement et mis au point une approche beaucoup plus scientifique du fitness, mais la maladie a failli mettre un terme à sa carrière. À présent, tout semble bien marcher: elle remonte très rapidement dans les classements de la WTA et, en janvier, elle est devenue la première femme — depuis 14 ans — à accéder au troisième tour de l’Open d’Australie.
Son programme “revu et corrigé” intègre tout, depuis les mouvements olympiques jusqu’à la méthode Pilates. Quant au team Baltacha, il compte un homme qui teste sa salive pour déceler les signes de fatigue, un professeur de tai-chi et un préparateur physique, ainsi que des coachs de tennis plus classiques parmi lesquels l’ancien numéro cinq mondial, Jo Durie. Aujourd’hui, elle est prête à faire mordre la poussière à plus d’une adversaire.
Bally, comme on l’appelle, a déjà pleuré de douleur et versé des larmes de joie sur les courts mythiques de Wimbledon, d’abord à 17 ans, quand on l’a vue sur le Centre Court pour la première fois et, de nouveau, deux ans plus tard, alors que sa carrière de joueuse de tennis était sur le point de s’effondrer. Née à Kiev, elle est venue vivre en Angleterre quand son père a signé comme footballeur professionnel pour Ipswich Town. Son frère joue aussi au football et sa mère, qui la masse après ses matches, était pentathlonienne. “Cela m’a beaucoup aidé que mon entourage connaisse bien le sport,” affirme-t-elle.
Elle a commencé à jouer au tennis à l’âge de 6 ans et, quatre ans plus tard, a eu droit à sa première vraie raquette. À 15 ans, elle a quitté l’Écosse pour Enfield (Middlesex) où, sous la houlette de deux coachs de tennis, Alan Jones et Durie, elle s’est inscrite à la Hazelwood tennis academy. “C’est là que, pour la première fois, je me suis rendu compte qu’il fallait que je réfléchisse sérieusement à ce sport,” précise-t-elle. “On me disait très franchement ce que j’étais capable et incapable de faire. J’ai compris qu’il fallait que je m’implique à fond si je voulais réussir.”
À peine deux ans plus tard, elle avait réalisé le rêve de tous les joueurs et joueuses: disputer un match sur le Centre Court (ce jour-là, elle a affronté la Française, Nathalie Dechy). “C’était incroyable,” raconte-t-elle. “J’étais censée être sur le court n° 4, mais deux matchs messieurs ont continué sur cinq sets. Je ne pensais pas que je jouerais ce jour-là, mais un arbitre m’a annoncé ‘On va vous déplacer et vous mettre sur le Centre Court.’ J’ai fondu en larmes. Il a cru que je ne voulais pas jouer alors que j’étais absolument aux anges. Après cela, je ne me souviens plus de rien.”
Elle a perdu le match, mais l’année suivante, elle est arrivée au troisième tour. La Grande-Bretagne s’apprêtait à saluer une nouvelle étoile quand une mystérieuse maladie a commencé à faire décliner ses résultats. “Au début, j’étais vraiment fatiguée et je prenais des antibiotiques,” se souvient-elle. “J’étais malade tous les quinze jours.” Les médecins ont diagnostiqué une atteinte du foie, affection incurable quoique contrôlable. Le surentraînement est l’un des plus grands dangers et c’est pour cette raison que, dans son équipe de soutien, figure Wayne Dumpleton, ancien champion d’Europe junior du 1 500 m, directeur de la société Ipro qui analyse la salive des athlètes pour voir si leur système immunitaire est faible: si cela arrive à Baltacha, elle diminue un peu ses entraînements. “Ça a été un soulagement de découvrir ce qui n’allait pas,” reconnaît-elle. “On disait de moi que j’avais perdu la forme et que je relâchais mes efforts. Ces tests ont montré que c’était faux et, tout d’un coup, tout le monde est devenu très compatissant.”
Comme si sa maladie du foie n’était pas un problème assez grave, Baltacha a découvert qu’elle avait une grosseur au sein. À 19 ans, elle craignait que sa carrière ne soit terminée. “Je me préparais pour Wimbledon en pensant que ce serait peut-être mon dernier tournoi,” déclare-t-elle. “Je me disais : ‘Que se passera-t-il si on m’apporte les résultats du test et qu’on m’annonce que je ne pourrai plus jamais jouer?’ Je suis restée dans le bureau pour attendre les tests, en me disant que, pour moi, ça pourrait être la fin.”
Les tests se sont révélés négatifs, mais après tout ce qu’elle avait enduré, elle a décidé de s’arrêter pendant six mois pour pouvoir se remettre sur le plan psychologique. “Au début, je ne faisais absolument rien: je me contentais de réfléchir et de voir si je voulais vraiment me lancer,” explique-t-elle. “Une fois ma décision prise, j’ai démarré par la base et j’ai essayé la méthode Pilates, le tai-chi et même le saxophone pour aider ma respiration. Au bout de trois mois de ce programme, j’ai repris le tennis.”
Mark Sheppard, le préparateur physique qui surveille son entraînement de tai-chi et de musculation, joue un rôle majeur dans son programme. Sheppard applique des idées glanées dans les arts martiaux et la biomécanique afin que Baltacha, très énergique de nature, apprenne à se détendre et à se déplacer plus efficacement sur le court. “Au tennis, les démarrages et les arrêts ainsi que les changements de direction sont incroyables,” déclare-t-il. “La condition physique doit être très bonne, le sens de l’équilibre aussi. On a peu d’occasions de travailler avec les joueurs à cause du planning frénétique que leur imposent leurs déplacements mais, à cause de sa maladie, Elena a été obligée de tout reprendre à zéro. On s’est dit qu’on pourrait étudier sa posture et lui faire gagner le maximum de force de façon à ce qu’une fois revenue au tennis, elle ne soit plus sujette au déséquilibre que crée ce sport.”
Quand elle s’est remise à jouer, son classement s’était effondré et devait se situer aux alentours de la 350e place. Grâce à sa prestation en Australie cette année-là, elle a fait un come-back formidable qui, de surcroît, lui a rapporté près de 20 000 livres sterling en primes. Seule une poignée de joueuses gagnent de très grosses sommes. Pour quelqu’un comme Baltacha qui compte beaucoup sur la générosité de French Connection, son sponsor, cet argent l’aide à faire vivre son rêve: à présent, elle est dans les 100 meilleures joueuses du monde.
Cependant, son succès à Melbourne lui a prouvé que, même si sa condition physique était très bonne, elle pouvait être encore meilleure. L’italienne Farina Elia, qui l’a battue au troisième tour, avait le physique le plus impressionnant que Baltacha ait jamais observé sur un court de tennis. “Je crois que, quand on la voit dans les vestiaires, personne n’est à sa hauteur,” affirme-t-elle. “Elle est solide. Quand je suis entrée sur le court, je l’ai regardée et j’ai eu l’impression que comparée à elle, j’étais loin d’être en forme.”
Après avoir profité pleinement de l’été australien, elle a participé à un autre tournoi à Sunderland, dans un froid glacial. La vie d’une professionnelle de tennis adolescente est pourtant censée être toujours très glamour! Par contre, les joueuses et les médias avaient bien pris note de sa venue. “Je n’en revenais pas de voir toute l’attention qu’on m’accordait,” dit-elle. “Quand je suis arrivée à Sunderland, on me disait que ce serait facile, mais pas du tout! Pour la première fois, c’était moi qui était la proie.”
Malheureusement, bien peu de ces chasseurs sont britanniques. Les bonnes joueuses de tennis anglaises sont encore plus rares que les politiciens honnêtes. “Le niveau n’est pas assez bon et il n’y a pas assez de gens pour encourager celles qui sont au top à aller encore plus haut,” reconnaît Baltacha. “Le tennis est un sport qui revient cher. Quand les enfants ont sept ou huit ans, leurs parents préfèrent leur acheter un ballon de football ou les emmener à la piscine: c’est moins coûteux.”
Ce désintérêt change complètement pendant deux semaines, lorsque Wimbledon ouvre ses portes. L’enthousiasme de Baltacha est évident, même si elle ne fait que parler du tournoi. “C’est l’ambiance qui est vraiment géniale,” fait-elle remarquer. “On la perçoit dès qu’on arrive sur les lieux. Même quand j’y vais juste pour m’entraîner et qu’il n’y a personne, je ressens un certaine émotion une fois à l’intérieur.” Le revers de la médaille est qu’elle doit porter les espoirs de la nation. “Le pire, c’est ce que les autres attendent de moi,” avoue-t-elle. “Ça commence quatre ou cinq semaines avant, quand tout se focalise sur ces deux semaines où tout le monde va s’intéresser à nous. Cela dit, comme j’y ai déjà joué deux fois, je sais à quoi m’attendre.” Elle plaint Tim Henman, le numéro un britannique, qui porte un fardeau encore plus lourd. “Le pauvre Tim se fait tellement insulter que c’en est presque ridicule,” déclare-t-elle. “Quand il prendra sa retraite, tout le monde se rendra compte que c’était un très grand sportif.”
D’un certain côté, étant née en Russie, Baltacha ressemble plus à Greg Rusedski qu’à Henman. Pourtant, quand on lui parle, il ne fait aucun doute qu’à tous les égards (hormis son nom), elle semble tout à fait britannique. Elle a toujours son accent écossais, vit dans les Homes Counties et a un sens de l’humour très british. “Je ne peux pas dire que je suis écossaise, anglaise ou ukrainienne,” souligne-t-elle. “Je suis un peu de chaque, mais je reste fière de mes racines. Je joue pour la Grande-Bretagne, donc je suis britannique.”
Le fait d’avoir été presque sur le point de raccrocher la motive fortement. “Je considérais beaucoup de choses comme allant de soi,” dit-elle. “Quand j’ai pris mes six mois de repos, je me suis rendu compte à quel point j’aimais le tennis et la place qu’il occupe dans ma vie. Je crois que cela a fait de moi quelqu’un de plus sympa.” Par contre, qu’on ne s’attende pas trop à voir ce côté “sympa” quand elle est sur le court à Wimbledon, frappant la balle de toutes ses forces et servant à plus de 160 km/h.

EN FORME POUR LE TENNIS
Depuis ces dernières années, on note une évolution dans l’entraînement au tennis. Autrefois, les joueurs et les joueuses passaient le plus gros de leur temps à travailler la technique et à améliorer leur condition cardio-vasculaire de façon à tenir le coup au cours des matchs longs qui peuvent parfois durer des heures.
En revanche, aujourd’hui, on ne met plus l’accent sur les mêmes paramètres. Avec des joueurs plus endurants et de meilleures raquettes, les tournois durent beaucoup moins longtemps, en particulier sur les courts en herbe où la balle rebondit tellement vite. “Les deux atouts les plus importants sont la vitesse et l’agressivité,” explique Sheppard. “La technique vient après.”
La vitesse ne se limite pas à la capacité de sprinter, aussi précieuse soit-elle. Savoir anticiper et se positionner correctement afin de réagir vite compte tout autant que la rapidité des déplacements: c’est pour cette raison que le programme de Baltacha privilégie fortement la biomécanique (qui consiste à entraîner le corps à se déplacer de la manière la plus efficace.) Dans un sport comme le tennis où il y a toutes sortes de rotations et de très fortes contraintes exercées sur les articulations, la biomécanique peut apporter beaucoup. “Il s’agit de trouver un état de pression dépourvu de tension. Le fait d’être crispé peut ralentir le joueur,” explique Sheppard. Il estime que la plupart des jeunes joueurs consacrent trop de temps à la technique alors qu’ils devraient maîtriser la vitesse et les déplacements. “Les joueurs apprennent comment frapper la balle, mais ils ne bougent pas assez vite,” dit-il. “En leur faisant travailler les déplacements, on peut les aider à aller plus vite vers la balle.”
Pour Baltacha, la musculation complète le tai-chi car elle renforce son corps aux endroits qui subissent le plus de stress (notamment les genoux et les chevilles) à cause des rotations et torsions constantes qui interviennent au tennis. Des exercices de musculation sont adaptés pour reproduire certains gestes sur le court: par exemple, elle fait des squats sur une jambe en gardant le dos contre un mur; l’objectif étant de développer la puissance de chaque jambe tout en étant en déséquilibre. Ces exercices — comme les flexions des poignets, par exemple — sont donc très pointus pour son sport. Vous verrez peu de femmes travailler leurs avant-bras et leurs poignets dans votre club de remise en forme, mais leur gagne-pain ne dépend vraisemblablement pas de la force de leur prise!
“C’est lorsque je me suis arrêtée pendant six mois que j’ai pris la musculation au sérieux,” explique Baltacha, qui pousse la fonte deux fois par semaine. Une séance cible le haut du corps, la deuxième cible le bas du corps et les abdominaux sont travaillés à chaque fois. Les séances durent 40 minutes et consistent généralement en deux ou trois séries de 10 répétions par exercice. Pour le haut du corps, elle fait beaucoup de “rameur” afin d’augmenter la stabilité des épaules; également des flexions des poignets, des tractions à la barre fixe pour le dos et du développé couché pour les pectoraux, toujours avec des haltères plutôt qu’avec une barre parce que la plus grande amplitude de mouvement renforce les muscles profonds du tronc. Les dips et le pull-over avec haltère sollicitent les triceps.
Les séances pour le bas du corps ciblent les zones des genoux et des chevilles, sujettes aux blessures. En musclant la face externe des quadriceps, Baltacha protège mieux ses genoux des impacts incessants qu’ils subissent au cours d’un match. Elle a également commencé à introduire des mouvements olympiques dans son programme en vue d’augmenter la force de la région abdos/lombaires. “Le travail de musculation est devenu beaucoup plus adapté à la discipline pratiquée,” déclare Sheppard.
Pesant 68 kg, Baltacha ne veut pas gagner davantage de volume parce que le surplus de poids pourrait la ralentir sur le court: c’est pourquoi elle s’entraîne avec des charges relativement légères. “Mon endurance est excellente, mais il faut que je sois plus vive et plus réactive,” souligne-t-elle. “Je dois me déplacer plus rapidement, avec plus d’équilibre et de fluidité. Je n’ai pas besoin de faire des joggings de plusieurs kilomètres, mais de réaliser des mouvements plus dynamiques, plus explosifs pour avoir moins d’acide lactique. Comme un échange dure 10 à 15 secondes, il est important de récupérer rapidement, 0surtout si je sers, de façon à pouvoir le faire souvent.”
Abstraction faite de la grâce et la beauté qui l’accompagnent, le tennis de haut niveau est devenu un sport dans lequel on ne survit que si l’on a une très grande forme. “Pour moi, l’entraînement est comme un métier,” poursuit Baltacha. “J’arrive à 8 h 30 et je pars à 17 h 30, comme tout le monde. Du lundi au vendredi, je fais deux fois deux heures et demies de tennis sur le court. L’après-midi, je consacre autant de temps à travailler ma condition physique. C’est dur! ” M&F
JUILLET 2005