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LES COMPULSIONS ALIMENTAIRES

Identifier les aliments, les dispositions affectives et les situations qui peuvent bouleverser votre programme de nutrition - et prendre les contre-mesures appropriées - vous aidera à garder un physique mince et musclé toute l'année.
 
Par Jeff O'Connell, chef de rédaction
 
Quand Maria Kwiatkwoski, PhD, faisait de la compétition de bodybuilding, elle considérait le pain comme bien plus que l'aliment relativement monotone qui est une denrée de base depuis l'époque lointaine où les pagnes de nos aïeux ont laissé apparaître des abdominaux écorchés bien avant les maillots de bain. Pour la plupart des gens, voir le pain arriver avant le plat principal équivaut à écouter patiemment Lionel Ritchie chanter une ballade de sa voix rauque alors qu'ils souhaitent vraiment voir James Brown se déchaîner sur scène. En revanche, pour elle, le pain était un délice attendu avec une telle impatience qu'en comparaison, le chantre de la soul music serait passé totalement au deuxième plan! "Je pouvais en manger jour et nuit, frais, grillé... ou pétri dans ma main," se souvient Kwiatkowski, physiologiste de l'exercice musculaire et ancienne préparatrice physique à l'université du Tennessee (Knoxville). "Ça n'avait aucune importance."
Pour elle, le pain était un déclencheur alimentaire, c'est-à-dire qu'elle en mangeait à cause d'une compulsion irrésistible plutôt que sous l'effet de la faim, et cette habitude anéantissait la discipline diététique qu'elle ne manquait pas d'observer par ailleurs. S'il est vrai que certains aliments reviennent fréquemment comme déclencheurs - la pizza figure en tête de liste pour la plupart des gens, y compris les bodybuilders - ces derniers varient fortement selon les individus. D'ailleurs, il n'est pas étonnant de constater que la plupart de ces aliments de grignotage contiennent à peu près la même quantité de graisses. "Pour telle personne, ce sera peut-être le fromage et la pizza, pour telle autre, ce pourrait être la viande rouge," écrit le Dr David Heber, PhD, dans The Resolution Diet (Avery Publishing Group,1999). "Pour d'autres encore, c'est le yaourt à 0% et les cookies aux pépites de chocolat... Ce sont là des aliments que l'on consomme pour se soulager du stress ou de l'ennui." Comme on peut s'y attendre, il recommande (entre autres substitutions) de laisser tomber la pizza en faveur de pâtes complètes avec de la sauce tomate, et des crevettes en garniture; le beurre en faveur de l'ail grillé; le bceuf en faveur de la dinde; et les cookies et gâteaux en faveur des fruits frais.
 
Valeur refuge
Bien qu'étant très divers selon les individus, comme le suggère la liste d'Heber, les aliments de grignotage correspondent, dans neuf cas sur 10, à ce que l'on appelle "de la nourriture de réconfort." À la suite des récentes attaques terroristes aux U.S.A., Kwiatwoski (personne habituellement pondérée) qui habite et travaille à côté du Pentagone, s'est précipitée au supermarché pour faire le plein de pizzas surgelées, de crèmes glacées et autres "produits débiles" (comme elle les appelle) auxquels elle ne toucherait jamais en situation normale. Autre formule inventée par Suzanne Girard Eberle, MS, RD, auteur de Endurance Sports Nutrition (Human Kinetics, 2000): "Les aliments déclencheurs sont ceux que l'on ira acheter par une pluie diluvienne."
Bien sûr, il y a de fortes chances que, dès le début de l'averse, vous allez laisser tomber le thon au naturel et les flocons d'avoine et vous précipiter sur les biscuits au chocolat, si c'est ce qui vous fait baver! Pour quelle raison tel aliment fera-t-il l'objet de grignotages plutôt que tel autre? Eberle fait remarquer que de tels aliments tendent à être riches en sucres et/ou en graisses. En outre, précise-t-elle, nous les associons à des souvenirs qui nous sont chers ou à des récompenses. Là encore, la consommation de ces aliments intervient dans un contexte de réconfort psychologique.
Le rapport pourrait également avoir ses racines dans la biochimie. "Certains chercheurs pensent que l'envie irrépressible d'un aliment sucré et gras déclenche la production d'endorphines - hormones sécrétées par l'hypophyse et qui induisent un sentiment de calme et de plaisir," déclare Eberle. Prenant à rebours cette relation hypothétique de cause à effet, d'autres scientifiques prétendent que le corps produit des substances chimiques qui déclenchent ensuite les fringales. Dans son livre, Heber va jusqu'à avancer un argument lié à l'évolution, affirmant que ces grignotages remontent à l'époque des pagnes mentionnés plus haut, où de longues périodes de manque de nourriture pour nos ancêtres chasseurs-cueilleurs faisaient que l'accumulation des calories était une stratégie de survie avantageuse.
Aujourd'hui, les aliments de réconfort n'ont plus guère de rapport avec la faim à proprement parler. "Souvent, les gens mangent simplement par habitude," explique Kathryn Scherbn RD, nutritionniste du sport et entraîneur personnel diplômée de l'ACSM, qui exerce à Ramsey, dans le New Jersey. "Ils ne savent même pas pourquoi ils ont faim, mais la prise alimentaire est provoquée par des états mentaux et émotionnels comme l'anxiété ou l'ennui. Il y a aussi les facteurs externes, comme la vue et l'odeur de la nourriture. On passe devant une pâtisserie, on sent l'odeur des croissants et on en a donc envie. Or si on n'était pas passé devant ce magasin, on n'aurait même pas pensé aux croissants."La question qu'il faut se poser est: "oui, ça sent bon, mais est-ce que j'ai faim?" Beaucoup de gens ne sont plus en phase avec les signaux naturels de leur corps. Si on a chaud, on transpire et cela abaisse la température corporelle. Si on a soif, on boit. Et si on a vraiment faim, on mange et on réapprovisionne le corps. Mais ces messages sont brouillés chez bon nombre d'individus."
 
Situations et solutions
Certes, on peut généralement contrôler cette prédisposition à se jeter sur des aliments de réconfort, mais très souvent, les bodybuilders succombent à la tentation car leur jugement est altéré par leur humeur du moment et par la situation vécue. Par exemple, une crise politique entraînant une réaction affective est une situation spéciale; néanmoins, le simple fait d'avoir eu peur ou un coup de blues - sans rapport avec la musique du même nom - peut avoir le même effet. "Si on a le sentiment d'être coupé des autres, on éprouve une sorte de besoin de satiété, et c'est cette satiété qui nous est apportée par la nourriture," déclare Kwiatkowski. Les situations elles-mêmes peuvent être de puissants déclencheurs de grignotage (voir "Situations déclenchantes: en terrain de connaissance?").
Après avoir succombé à ces grignotages de pain pendant des années, Kwiatkowski a mis fin à cette habitude presque par hasard. Pendant une période de séchage avant une compétition, elle s'est mise à un régime hyperprotéiné. Une fois le régime terminé, le pain (pour une raison ou pour un autre) ne lui faisait plus du tout envie comme autrefois. À un certain stade, elle avait persuadé son corps, y compris son palais, qu'après tout il n'avait pas besoin de pain en permanence.
Sa solution concorde avec ce qu'Heber prêche dans son livre, à savoir que si l'on cherche à maigrir, il faut revoir ses habitudes alimentaires et apprendre à trouver du plaisir dans la consommation de ce qui s'avère aussi être bon pour l'organisme (pour des conseils sur la marche à suivre, voir "Les déclencheurs alimentaires: aide-mémoire").
"Pour contrôler ses habitudes alimentaires, la règle d'or est d'apprendre à manger avec plaisir des denrées saines et goûteuses, parce qu'elles mettent les papilles en joie, sans avoir besoin de graisses, de sucre et de sel cachés," écrit-elle. "L'un des mythes des régimes est que l'on peut choisir assidûment des portions plus petites des aliments que nous mangeons et perdre du poids sur le long terme. En fait, si l'on opte pour cette approche dépassée, l'équilibre nutritionnel restera déstabilisé et on perdra encore moins de poids."
 
Situations déclenchantes: en terrain de connaissance?
Comme l'attestent les scénarios ci-dessous, les situations, tout comme notre humeur du moment, rendent plus que probable le déclenchement du mécanisme du grignotage:
Scénario n° 1: quand vous vous détendez enfin le soir, vous dînez, puis vient un premier snack... suivi d'un second. Solution: manger régulièrement pendant la journée. "Si on laisse se développer un état de faim excessif, il peut y avoir survenue de fringales intenses," déclare Susan Girard Eberle, MS, RD. "Prendre un petit-déjeuner peut contribuer à échapper un peu à ce cercle vicieux."
Scénario n° 2: quand vous êtes installé pour regarder la télé, vous finissez par boire quatre bières et par vider deux sachets de chips ainsi que des restes de repas. Solution: vous mangez (et buvez) pendant le "match du samedi" parce que le climat social vous y encourage. Vous mangez (et buvez, mais encore plus) au cours de la rediffusion de la série "M*A*S*H*" pour vous rassurer que tout n'est pas perdu. Quoiqu'il en soit, la télévision est probablement le plus grand déclencheur de tous. Faites le ménage dans votre réfrigérateur et dans votre garde-manger et réapprovisionnez-vous en fruits et légumes frais que vous pouvez consommer. Au minimum, mettez tous les "mauvais aliments" dans des boîtes ordinaires. Dans Madison Avenue, les concepteurs de conditionnements touchent des salaires colossaux pour trouver des moyens de vous attirer vers des emballages séduisants, d'abord au supermarché et ensuite, dans votre garde-manger.
Scénario n° 3: en arrivant au travail, vu que vous avez sauté le petit déjeuner, vous dévorez deux ou trois beignets. Solution: veillez à ce que le petit-déjeuner fasse partie intégrante de votre matinée au même titre que la douche au saut du lit. "C'est comme l'entraînement - il s'agit d'ancrer une habitude," explique Maria Kwiatkowski, PhD. Organisez-vous également à l'avance en achetant des aliments comme les flocons d'avoine et autres céréales complètes qui ont une durée de conservation relativement longue.
Scénario n° 4: vous préparez un repas et quand vous en avez fini, vous avez déjà avalé la moitié des ingrédients. Solution: Kathryn Scherb, RD, conseille de "mâcher du chewing-gum quand on est dans la cuisine. Quand la bouche est en mouvement, on ne peut rien mettre dedans."
Dans Constant Craving [Fringale permanente] (Hay House, 1995), Doreen Virtue, PhD, offre la recommandation suivante: "Mettez une musique relaxante dans la cuisine. Parfois, le stress et l'énervement sont la cause d'excès alimentaires. On peut éviter des grignotages nerveux en écoutant de la musique classique calmante."
Scénario n° 5: vous êtes invité à un buffet et vous finissez par faire plus d'allers et retours vers les plats que les serveurs vers les cuisines. Solution: pour commencer, si vous faites cela parce que tout est gratuit, cessez donc de vous comporter comme un profiteur! Eberle offre des conseils plus mesurés: "Quand il s'agit de manger à l'extérieur, n'oubliez pas que les études ont montré que nous avons tendance à manger tout ce qu'on nous met sous le nez. Si c'est un buffet, regardez d'abord tous les plats avant de mettre quoique ce soit dans votre assiette. Concentrez-vous sur ceux que vous préférez et ne touchez pas aux aliments ordinaires, genre olives, fruits secs, fromages et petits pains."
Scénario n° 6: vous faites aussi des services de nuit et, quand cela arrive, votre régime est complètement fichu. Solution: Il est évident qu'ici, un élément clé est de planifier à l'avance. Autre solution: vous inspirer de la démarche de vos collègues qui, comme vous, sont bien résolus à manger sain. Si vous travaillez dans une pâtisserie, vous risquez d'avoir des problèmes, ce qui ne sera pas le cas si votre lieu de travail est une caserne de pompiers, comme pour Allison Bookless de Columbus (Ohio) qui s'est classée 12e au concours Pittsburgh Pro Fitness remporté par Kelly Ryan. "À la caserne, les hommes aussi sont très soucieux de leur santé. Donc, si on mange un pain de viande un soir, ce sera du poulet," déclare Bookless, qui affirme se réjouir quand arrive le moment de commencer le régime. "Cela dit, deux mois avant une compétition, je me suis mise à préparer ma propre nourriture et les gars n'avaient aucune objection. J'avoue quand même que c'est dur de ne pas manger comme eux parce que les repas sont pris quand on peut tous être ensemble à la caserne."
 
Les déclencheurs alimentaires: aide-mémoire.
1) "Pour identifier les déclencheurs alimentaires, tenez pendant deux semaines un journal quotidien des aliments et boissons consommés, et notez également l'incidence des activités, situations et sentiments sur cette consommation," conseille Kathryn Scherb, RD. "Une fois qu'on a identifié ce qui stimule le grignotage, on peut essayer de court-circuiter les signaux que l'on reçoit."
2) Si vous faites de la compétition, les aliments déclencheurs peuvent être bons ou mauvais, selon la situation. "En période hors-compétition, je mange des pâtes en quantité parce que ça me fait beaucoup grossir, car même de petites portions regorgent d'hydrates de carbone," déclare Jay Cutler, dit "Cut," vainqueur de la Nuit des Champions 2000. Néanmoins, avant un concours, il évite les pâtes en raison de la rétention d'eau qu'elles peuvent provoquer.
3) "Si les grignotages conduisent à des accès boulimiques où l'on ne se contrôle plus et qui se soldent par une prise de poids importante, il faut consulter un professionnel de santé qualifié, comme un médecin spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire," suggère Suzan Girard Eberle, MS, RD. "Des problèmes émotionnels, comme la solitude ou l'inadaptation socio-affective, sont souvent le vrai problème, et non pas le grignotage lui-même."
4) Heureusement, dans la majorité des cas, les grignotages ne présentent pas de danger. "Pour la plupart des gens, le problème est bien résolu en ne mangeant régulièrement que de petites quantités des aliments dont ils ont très envie ou des versions allégées en sucre et en corps gras," souligne Eberle. "Ce qu'il faut éviter, c'est la privation, surtout si l'on cherche à maigrir, car cela ne fera qu'exacerber l'envie immodérée de l'aliment en question."
5) Comme aliments de grignotage, les femmes ont tendance à se rabattre sur le chocolat et les sucreries; les hommes s'orientent plutôt vers les aliments croquants, salés et gras, comme les chips, précise Scherb.
6) Les femmes devront être vigilantes en matière d'envies alimentaires et de déclencheurs 7 à 10 jours avant le début de leurs règles. "Le grignotage semble survenir le plus fréquemment à ce stade du cycle menstruel," explique Eberle. Soyez plus rusée que ces compulsions en prenant à l'avance les mesures nécessaires.

UKMF0102/N/01

Quelques heures de grignotage irréfléchi devant la télé peuvent réduire à néant des semaines de régime, même si vous regardez "Gym Tonic!"