À L'INSTINCT
En apprenant à utiliser votre intuition pour l'entraînement, offrez-vous une croissance musculaire éblouissante et ce, dès votre prochaine séance.
Par Lee Labrada, compétiteur professionnel IFBB de 1985 à 1995
VOUS ÊTES À LA SALLE en train d'aligner une série de curls. À chaque série, l'afflux sanguin augmente et la peau des biceps se tend sous les muscles qui gonflent. Une montée de testostérone et d'adrénaline vous porte jusqu'à l'ultime rep de la dernière série.
Vous avez de l'énergie à revendre, bien plus que pendant la plupart de vos séances. Malgré votre dure journée de travail, vous avez plaisir à vous retrouver en compagnie des autres adeptes de la “fonte.” Votre taux d'hormones augmente et vous vous sentez quasiment invincible: dans ce cas-là, vous en tenez-vous à votre programme ou laissez-vous votre instinct vous amener à effectuer quelques séries supplémentaires?
C'et là une bonne question à laquelle on ne peut se contenter de répondre par oui ou par non. Il est temps de découvrir ce que signifie exactement “entraînement à l'instinct,” de chercher le juste milieu entre suivre son programme à la lettre ou se laisser aller à ses impulsions. Il faut aussi comprendre pourquoi la réponse varie d'un individu à un autre.
À CÔTÉ DE LA PLAQUE
Dès que l'on évoque l'entraînement à l'instinct, on pense aux bodybuilders bardés de muscles énormes qui arrivent à la salle en se demandant: “Bon, qu'est ce que j'ai envie de faire aujourd'hui?” avant de se précipiter sur le premier schéma d'exercices, de séries ou de fourchettes de reps qui leur vient à l'esprit. On ne saurait être plus éloigné de la réalité.
Désignez-moi un athlète au physique bien développé et je vous présenterai quelqu'un qui a passé d'innombrables heures à s'entraîner en s'en tenant strictement à des programmes méticuleusement élaborés. “Quel que soit le sport pratiqué, il faut toujours rechercher la performance optimale,” explique Denny Bonewitz, préparateur physique, président de EDGE, complexe dédié à la performance en sports extrêmes à Flower Mound au Texas. “Il faut prévoir quand [la performance] atteindra son maximum [en fonction des objectifs] et des résultats recherchés. Nous contrôlons donc les progrès en étudiant les séries, les reps et la périodisation.”
Quel est donc cet “instinct” dont nous sommes censés faire preuve à la salle? Je pense que le terme QI physique serait mieux approprié. Si l'on a un QI physique élevé, cela signifie que l'on sait comment interpréter les signaux de son corps — la quantité d'énergie, les courbatures et la fatigue mentale, pour n'en citer que quelques-uns — qui permettent de déterminer quand et comment s'entraîner afin d'obtenir le meilleur rendement possible. C'est avec l'expérience que l'on acquiert cette capacité à déchiffrer les informations sensorielles et physiques fournies par le corps et qui nous indiquent si l'on peut ou non aller jusqu'à la limite des possibilités physiques. Si l'on est dépourvu de cette aptitude, on court le risque, en s'entraînant à l'instinct, de s'exposer au surentraînement (on dépasse les capacités de récupération de l'organisme) ou au sous-entraînement (on en fait trop peu et on compromet donc la croissance musculaire). Les deux extrêmes limiteront les bénéfices tirés de l'entraînement.
DÉVELOPPER L'INSTINCT
Si l'on veut apprendre à s'entraîner à l'instinct, il faut avoir acquis une expérience sur laquelle on puisse s'appuyer. “Une personne qui viendrait pour la première fois à la salle et prendrait une paire d'haltères pour se mettre à faire du développé couché, voilà qui semblerait un peu étrange,” explique Chere Schoffstall, porte-parole en sciences de l'éducation à la US National Academy of Sports Medecine. “Les débutants en musculation auraient du mal à s'entraîner au feeling dans la mesure où ils n'ont pas encore établi la relation cerveau-muscles.” Il faut au moins un an de pratique, avec des programmes précis, avant de connaître l'effet des différents paramètres d'entraînement. Une personne qui fait de la musculation sans programme précis — surtout un débutant — court à l'échec. Si l'on improvise, on obtiendra peut-être des résultats au début, mais on ne développera jamais totalement son potentiel.”
On débutera avec un programme détaillé (comme ceux qui sont proposés tous les mois dans Muscle & Fitness) qu'on consignera dans un journal de bord — un simple carnet à spirales fera l'affaire — et qu'on suivra à la lettre. À chaque séance d'entraînement, vous y noterez les paramètres suivants:
›› Les charges, séries et reps
›› Les périodes de récupération entre les séries
›› La date et l'heure de la séance
›› Votre condition physique avant et après la séance
›› Votre état d'esprit avant et après la séance.
Notez toutes les observations au fil de la séance. Ensuite, prenez le temps de vous asseoir afin d'évaluer votre travail. Au bout de quelque temps, vous verrez un schéma se dégager. Par exemple, vous remarquerez peut-être que chaque fois que vous réduisez le temps de récupération entre des séries de squats, vous devez diminuer la charge et vous avez des nausées. C'est peut-être un des schémas les plus évidents, mais c'est pour vous donner une idée.
Ne soyez pas étonné de constater que le stress et les habitudes alimentaires influencent votre mode de progression. “Certains constateront peut-être rapidement à quel point cela se répercute sur les progrès en musculation,” souligne Schoffstall. “Donc, si l'on se sent très fatigué et plein de courbatures, il est possible de se reporter au jour 1 et de se dire: 'Le programme du jour 1 est inefficace et il faut donc agir, c'est-à-dire modifier le programme ou améliorer mon alimentation. Ou encore, je dois me reposer davantage.' Un des secrets de la réussite consiste à tenir un journal.”
En conservant une trace écrite des séances, on parvient à mieux connaître le rapport de cause à effet qui relie les paramètres de l'entraînement, le mode de vie et les résultats obtenus. Vous apprenez également à connaître votre corps, ce qui est obligatoire si vous voulez avoir de bonnes intuitions avant de prendre des décisions au cours de vos futures séances.
TROUVER L'ÉQUILIBRE
Pendant la première année de musculation, planifiez toujours vos séances et, une fois à la salle, ne vous écartez pas du plan d'entraînement. Certes, il y aura des jours où vous n'aurez aucune envie de vous entraîner — ne vous découragez pas, et modifiez le rythme et l'intensité si nécessaire — et d'autres où vous aurez l'impression de pouvoir continuer indéfiniment (ce dont vous vous abstiendrez). N'oubliez pas qu'il faut éviter de tomber dans le surentraînement.
Ceux qui pratiquent la musculation depuis des années et ont l'impression de ne toujours pas maîtriser le concept de l'entraînement à l'instinct, retourneront aux sources et suivront pendant quelques mois un programme d'entraînement strict (l'organisation des séances elles-mêmes restant leur choix). Il tiendront aussi un journal afin d'analyser la manière dont les paramètres agissent sur leur corps.
Quand on a passé beaucoup de temps à cette mise au point, on est prêt à se débarrasser des cadres de travail. Il ne s'agit pas pour autant de jeter tous les programmes structurés par la fenêtre, en ayant l'impression que l'on peut s'entraîner n'importe quand ou n'importe comment. On se rendra toujours à la salle en ayant en tête une esquisse de ce que l'on va faire, tout en conservant assez de souplesse pour modifier instantanément un paramètre si la situation l'exige.
Supposons que l'on soit sur le point de finir une séance pour les cuisses. On vient de terminer la cinquième des six séries de leg curl couché. Les ischios sont hyper congestionnés mais, au cours de la dernière rep de cette cinquième série, on ressent un léger élancement. Cela s'est déjà produit et on sait donc que c'est le signe qu'il faut arrêter — en effet, la dernière fois que l'on a insisté, on s'est fait une élongation qui a duré plusieurs semaines. On peut aussi choisir d'effectuer un autre exercice comme le soulevé de terre jambes tendues ou le leg curl assis. On démarrera doucement et si l'on se sent bien, on effectuera une série supplémentaire avant de s'arrêter.
Autre exemple: on a effectué deux séances difficiles — les dorsaux et les jambes — sur deux jours consécutifs. On se sent bien, sans plus. En fait, on n'a aucune envie d'aller à la salle, on est fatigué et on a le nez bouché. On a nettement l'impression d'être un peu à plat. Au lieu de s'astreindre à faire la séance du jour, on décide de prendre une journée complète de repos, car on sait que l'on souffre de surentraînement. On en est conscient car, la dernière fois que l'on avait éprouvé les mêmes sensations et décidé de faire la séance coûte que coûte, on s'était retrouvé avec un rhume carabiné. Après une journée de repos, on est à nouveau en pleine forme. La séance suivante est super. La vie est belle.
LES HAUTS ET LES BAS
Que s'est-il passé? Dans le premier cas, on a utilisé l'entraînement à l'instinct au niveau bas: “Est-ce que je continue à solliciter les ischios?” Dans le deuxième exemple, on l'a utilisé au niveau haut : “ Dois-je annuler la séance?” Dans les deux cas, on a utilisé son intuition au moment voulu. Résultat, on est arrivé à l'équilibre recherché. “Quand on n'écoute pas son corps, on se blesse,” note tout simplement Schoffstall. Grâce à cet équilibre, on se préserve généralement des blessures et on suit une progression optimale.
Comme nous l'avons vu, l'entraînement à l'instinct donne de meilleurs résultats dans le cadre d'un programme précis. Que se passerait-il si l'on ne suivait qu'un programme strict dépourvu de souplesse ou, à l'inverse, si l'on n'écoutait que son intuition? Dans le premier cas, on ne se laisse aucune latitude pour s'adapter à des situations inattendues, ce qui peut provoquer des blessures ou le surentraînement. Un programme conçu à partir d'une interprétation erronée de ce qu'est l'entraînement à l'instinct peut mener au sous-entraînement les jours de flemme et au surentraînement si l'on se sent plein de fougue. Souvent, cela se solde par la stagnation.
Le message à retenir est le suivant: “Bâtissez un programme correct, tout en étant prêt à le remodeler légèrement en fonction des réactions de votre corps,” fait remarquer Schoffstall. Sinon, vous n'obtiendrez jamais cette condition physique optimale tant recherchée et à laquelle vous consacrez tous vos efforts. M&F
Lee Labrada est un ancien M. Univers IFBB et vainqueur de la Coupe du monde pro IFBB. Détenteur de 22 grands titres de bodybuilding, il est l'un des rares athlètes dans l'histoire de ce sport à s'être classé dans le top 4 du concours Olympia sept fois de suite. Pour recevoir gratuitement Lean Body Coach, la newsletter gratuite de Lee, inscrivez-vous à leanbodycoach.com
Testez votre INSTINCT
Effectuez ce test rapide pour voir si vous possédez l'instinct d'un battant.
1. Vous avez décidé d'essayer un nouveau programme pour les pectoraux qui comprend de nombreuses reps (24 au total). À la fin de la première séance, vous avez l'impression que le programme n'était pas aussi intense que vous le pensiez. Est-ce que:
A) Vous arrêtez l'entraînement, comme prévu.
B) Vous effectuez un autre exercice pour la poitrine afin de la matraquer à fond.
2. Vous arrivez fatigué à la salle et vous vous sentez un peu à plat, sans toutefois être malade. La séance démarre lentement et vous décidez de vous limiter à deux séries par exercice au lieu des trois habituelles. Pourtant, vers la fin de la séance, vous vous sentez en pleine forme et voulez effectuer un autre mouvement de manière à compenser l'insuffisance du volume de travail. Est-ce que:
A) Vous arrêtez la séance et vous rentrez chez vous.
B) Vous faites 2-3 séries de l'exercice supplémentaire.
3. Vous travaillez les biceps et, après la troisième série du premier exercice, vous ressentez une douleur à l'avant de l'épaule. Est-ce que:
A) Vous arrêtez l'entraînement immédiatement.
B) Vous essayez un autre exercice de biceps qui ne fasse pas mal aux épaules, mais vous prenez des charges légères.
4. Votre partenaire d'entraînement et vous-même avez prévu une séance intense pour les jambes, avec des squats pour démarrer. Or, toutes les cages à squat sont occupées. Est-ce que:
A) Vous effectuez les fentes avant, les leg extensions et les leg curls d'abord pour revenir au squat dès qu'une cage se libère.
B) Vous faites des squats à la barre ou vous remplacez cet exercice par de la presse à cuisses à haute intensité ou du hack squat.
RÉPONSES:
1. (A) Comme il s'agit d'un nouveau programme qui comprend davantage de séries que d'habitude, cette seule nouveauté suffit à choquer les muscles. Travailler plus ne favorisera pas les progrès et risque même de les freiner en provoquant le surentraînement.
2. (B) Votre volume d'entraînement est inférieur à la normale et vous ne présentez aucun symptôme qui laisserait penser que vous couvez une maladie: vous pouvez donc y aller et réaliser les exercices supplémentaires.
3. (A) ou (B) Dans ce cas, tout dépend de la douleur. Si elle est aiguë, lancinante et persistante, il faut mettre cette zone au repos et consulter un médecin si vous avez toujours mal (ou si la douleur devient récurrente à chaque fois que vous essayez de vous entraîner ou de bouger l'articulation de l'épaule). Si la douleur est plutôt sourde ou moins intense, effectuez des mouvements pour les biceps qui ne l'aggravent pas. Essayez des exercices où le bras est en appui, comme le curl au pupitre ou le curl concentré.
4. (B) Si vous effectuez d'abord les autres exercices, vous manquerez de puissance pour le mouvement-clé de votre programme. La barre guidée, la presse oblique ou le hack squat ne sont pas tout à fait aussi performants que le squat avec la barre, mais ce sont des alternatives valables qui permettent de travailler à haute intensité.
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