LE REPOS SENS DESSUS DESSOUS
LE REPOS SENS DESSUS DESSOUS
PAR JIM STOPPANI
Oubliez ce que vous savez sur le repos. Modifiez vos périodes de repos entre les séries afin d'obtenir de meilleurs résultats
Arrêtez-moi si vous avez déjà entendu cette blague: un powerlifter, un bodybuilder et un triathlète entrent dans une salle de musculation.
Le powerlifter s'entraîne vraiment lourd et n'effectue que quelques reps par série - il fait beaucoup de séries d'une seule rep, de deux reps ou de trois reps. Entre les séries, il se repose longtemps, c'est-à-dire quatre à cinq minutes.
Le bodybuilder utilise des charges lourdes, mais inférieures à celles du powerlifter. Ses séries comptent entre 8 et 10 reps. Ses temps de repos sont moins longs et tournent autour de 2 à 3 minutes.
Comme on peut s'y attendre, le triathlète prend des charges inférieures à celles du bodybuilder, sans parler du powerlifter. Il fait 15 à 20 reps et semble à peine se reposer entre les séries: une minute tout au plus, mais le plus souvent 30 à 45 secondes seulement.
Et maintenant, voici la chute: ces trois gaillards utilisent la bonne charge pour leur discipline, mais leurs temps de repos pourraient bien être complètement inversés.
Le programme que vous êtes sur le point de découvrir exige que vous fassiez tout le contraire de ce à quoi vous êtes probablement habitué: autrement dit, vous vous reposerez plus longtemps entre les séries longues et moins longtemps entre les séries courtes.
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LA SCIENCE DU REPOS
Prendre le contre-pied des durées de repos communément préconisées peut être risqué quand on sait que quasiment tous les experts dans le domaine de la science de l'entraînement (et dont certains sont vraiment très calés) vous diront que plus on lève lourd, plus les pauses entre les séries doivent être longues et vice versa. Pourtant, réfléchissez: qu'est-ce qui vous fatigue le plus, une série d'une seule rep ou une série de 15 reps? La série de 15 reps, n'est-ce pas? Dans ce cas, pourquoi ne vous reposeriez-vous pas plus longtemps après la série la plus éprouvante?
Sur le plan physiologique, il est logique d'inverser les durées des temps de repos entre les séries. Le but de ces pauses est de permettre un renflouement des systèmes énergétiques qui ont été épuisés au cours la série. Les séries de 1 à 6 reps font essentiellement appel aux réserves d'ATP (composé énergétique cellulaire) présent dans les fibres musculaires: ces réserves se reconstituent assez rapidement. Les séries de 7 à 10 reps privilégient la créatine phosphate (forme prise par la créatine dans les cellules musculaires afin de fournir une énergie disponible immédiatement) tout en utilisant de l'ATP en réserve: il faut nettement plus longtemps pour renflouer le stock de créatine phosphate. Enfin, les séries de 10 reps et au-delà nécessitent encore plus de créatine phosphate et utilisent le glycogène musculaire: le temps de reconstitution des réserves énergétiques est le plus long des trois cas de figure.
La recherche confirme ces données. Dans une étude, des scientifiques de l'université de Memphis (Tennessee) ont demandé à 17 pratiquants chevronnés de musculation d'effectuer deux séries de squats au maxi (1RM) avec soit une minute, soit trois minutes, soit cinq minutes de repos entre les séries. Après s'être reposés juste une minute entre les séries, 13 des 17 sujets ont réussi à soulever de nouveau leur maxi au cours de la deuxième série. Après s'être reposés trois minutes, 16 des 17 sujets ont réussi à effectuer la seconde série et, après cinq minutes de repos, 15 sujets sur 17 ont réalisé la même performance. Conclusion: même si une pause de trois minutes permet de mieux récupérer complètement, la plupart des individus auront déjà totalement récupéré au bout d'une minute. Si, actuellement, vous vous reposez quatre, voire cinq minutes entre des séries lourdes, vous perdez peut-être votre temps.
Dans une autre étude, des scientifiques de l'université du Wisconsin (Whitewater) ont testé trois méthodes de repos différentes entre des séries de squats. La charge utilisée correspondait à peu près à 85% du maxi (1RM) des sujets, c'est-à-dire qu'elle leur autorisait 6 à 8 reps. Dans le premier protocole, les sujets se reposaient trois minutes entre les séries. La deuxième méthode avait été baptisée "reprise perçue:" le pratiquant décidait de reprendre sa série dès qu'il se sentait prêt, ce qui correspondait à une pause de 3 min 30, en moyenne. Avec la troisième méthode, le rythme cardiaque des sujets était mesuré: quand il était redescendu à 105 pulsations/minute, la seconde série démarrait. Le temps moyen entre les séries était d'environ deux minutes et les sujets ont pu réaliser le même nombre de reps par série (pour les six séries), quelle soit la méthode de repos appliquée. Il s'ensuit que si vous vous entraînez dans la fourchette des 6 à 8 reps, il ne vous faudra vraisemblablement pas plus de deux minutes entre les séries pour récupérer. Il y a des chances que cela concorde avec votre mode d'entraînement habituel.
Pour découvrir la durée de repos nécessaire afin que les muscles récupèrent après des séries de 10 à 12 reps, des scientifiques de l'université du Kansas (Lawrence) ont demandé à 28 pratiquants de musculation de réaliser, jusqu'à l'échec, des séries de presse à cuisses à environ 75% RM. La plupart d'entre eux sont parvenus à effectuer 12 reps à la première série, celle-ci étant suivie d'une minute, de trois minutes ou de cinq minutes de repos avant de démarrer une deuxième série avec la même charge.
Au bout d'une minute de repos, les sujets ont pu réaliser cinq reps en moyenne alors qu'ils pouvaient en faire une dizaine après trois ou cinq minutes de pause. Il est donc évident que lorsque l'on fait des séries de 10 à 12 reps, il faut se reposer trois bonnes minutes entre chaque série: une pause plus longue ne semble pas être plus favorable. L'avantage est que vous serez capable d'effectuer davantage de reps au total avec le même nombre de séries. Essayez donc ce programme de six semaines qui commence à la page 104. Vous observerez que les fourchettes de reps et les périodes de repos sont réparties en cycles, ce qui offre une multitude de bienfaits: 1) les semaines de travail "très lourd" augmentent la force musculaire globale et entraînent les muscles à reconstituer rapidement leurs réserves énergétiques; 2) les semaines de travail "léger" favorisent le développement musculaire: les stocks de carburant auront amplement le temps de se reconstituer et on pourra donc effectuer un maximum de reps à chaque série; 3) les semaines de travail "modéré" stimulent, à la fois, la prise de force et de muscle en restaurant l'énergie rapidement, en abaissant le taux d'acide lactique de façon plus efficace et en faisant grimper le taux d'hormone de croissance. M&F
BIBLIOGRAPHIE
›› Greno, A.R., et al. Medicine & Science in Sports & Exercise 35(5 supplement):S272, 2003.
›› Matuszak, M.E., et al. Journal of Strength and Conditioning Research 17(4):634-637, 2003.
›› Richmond, S.R., Godard, M.P. Journal of Strength and Conditioning Research 18(4):846-849, 2004. |
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